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mardi 17 juin 2014

Trois médecins ne font pas un économiste


Trois médecins ne font pas un économiste, et je blague à peine! Les déclarations de notre trio de médecins-politiciens achèvent d’ailleurs de me convaincre que s’ils furent naguère d’éminents médecins, ils s’y connaissent très peu en science économique.
Ce week-end, par exemple, le ministre Bolduc déclarait que l’éducation devait être prioritaire sur la santé. La semaine précédente, le ministre Barrette priorisait la santé. Quant au premier ministre Couillard, il nous répète depuis des lunes que son gouvernement priorise les finances publiques.
Il n’en fallait pas plus à un économiste pour diagnostiquer une certaine vulnérabilité du gouvernement au « paradoxe d’Arrow ». Quoi? C’est une maladie qui affecte nombre de gouvernements qui se contentent de suivre le vent politique sans se donner de lignes directrices précises.
À moins d’un coup de barre, les Québécois doivent donc s’attendre à ce que leur nouveau gouvernement libéral montre, à l’instar de ceux qui l’ont précédé, des symptômes chroniques d’instabilité et d’incohérence.
Vous pensez que j’exagère, que la démocratie a toujours raison et qu’elle nous protège contre l’errance politicienne? Vous avez tort!
Faisons un petit effort intellectuel. Supposons que le gouvernement décide de régler la question de ses priorités au conseil des ministres. Trois clans de taille identique s’affrontent : 1) le clan Barrette, qui priorise d’abord la santé (S), ensuite l’éducation (E) et enfin le budget (B);  2) le clan Bolduc, qui priorise l’éducation (E), le budget (B) et la santé (S); 3) le clan Couillard, qui préfèrerait d’abord s’attaquer au budget (B), pour ensuite passer à la santé (S) et en troisième lieu à l’éducation (E).
Je schématise:
Clan Barrette : Santé > Éducation > Budget  (S > E > B)
Clan Bolduc : Éducation > Budget > Santé (E > B > S)
Clan Couillard : Budget > Santé > Éducation (B > S > E)

En supposant que le Conseil des ministres prend ses décisions à la majorité, tentons de prédire la stratégie libérale qui en résultera. On observe que la priorité santé est préférée à l’éducation (E) par deux clans sur trois. On observe aussi que la priorité éducation (E) est préférée au budget (B) par deux clans sur trois. En conséquence, si la santé est préférée à l’éducation et que cette dernière est préférée au budget, on devrait s’attendre en toute logique à ce que la santé soit préférée aussi au budget. Erreur! Dans notre exemple, le budget (B) est préféré à la santé (S) par deux clans sur trois. En résumé : (S > E) et (E > B) mais (B > S).
Ne perdez pas votre temps à chercher le canular. Je viens seulement de vous illustrer le théorème d’impossibilité d’Arrow. En généralisant l’exemple de Condorcet (1785), Kenneth Arrow (Nobel 1972) a montré pourquoi nos démocraties peinent à agréger des préférences variées et conduisent à des incohérences politiques.
Ne vous surprenez donc pas si notre nouveau gouvernement continue à augmenter un salaire minimum destructeur d’emplois, tout en mettant de l’avant des programmes de création d’emplois. À subventionner à coup de milliards des projets de cimenteries et d’éoliennes économiquement inefficaces, tout en promettant une rationalisation des dépenses publiques.
La trithérapie a peut-être permis de révolutionner la lutte contre le sida, mais le cocktail de politiques incohérentes que s’apprête à nous servir notre gouvernement risque d’achever un Québec déjà fort mal en point.

mercredi 7 mai 2014

On préfère les menteurs

Journal de Montréal et  Journal de Québec, 8 mai 2014, p.20.


Les avis juridiques sur le projet de Charte des valeurs n’auraient jamais existé. Bernard Drainville serait donc un menteur. Vous êtes surpris, vraiment?
J’ai toujours pensé qu’en politique, le mensonge était une activité légale. Pire encore, je crois que les politiciens nous mentent parce que c’est ce qu’on attend d’eux.
Le mensonge politique est légal
Nous vivons dans une démocratie où tous sont censés être égaux devant la loi… sauf pour le mensonge.
Si un citoyen fait un faux témoignage devant un tribunal, il sera poursuivi pour parjure. S’il tient des propos mensongers qui portent atteinte à l'honneur d'un tiers, il sera condamné pour diffamation et devra dédommager sa victime.
Il en va autrement pour nos politiciens : ils ont droit à l’irresponsabilité, voire au parjure et à la diffamation. Lorsqu’ils siègent à l’Assemblée nationale, ils disposent de cette immunité parlementaire qui leur permet d'exercer librement leurs fonctions sans se soucier de la vérité.
L’honnêteté est pénalisée
En politique, la canaillerie n’est pas que légale, elle est aussi une obligation imposée par les partis politiques. La ligne de parti peut être impitoyable envers l’honnête politicien.
Ainsi, un élu fidèle à ses convictions qui s’oppose à la position officielle de son parti se fera rabrouer par son chef, traité de paria par ses collègues, si ce n’est exclure du parti. Parlez-en à Fatima Houda-Pepin qui, pour rester fidèle à ses principes, siège désormais dans son salon après 20 ans de loyaux services au PLQ.
Pendant ce temps, des ministres influents du Parti québécois auraient passé sous silence leurs réticences envers le projet de loi 60 et appuyé aveuglément M. Drainville. Ne sont-ils pas complices de la malhonnêteté dont on accuse ce dernier?
Nous aimons les menteurs
Un politicien est comme avec un vendeur d’automobiles d’occasion : on sait d’avance qu’il cherchera à nous vendre un tas de ferraille en lui attribuant les qualités d’une Ferrari. Par contre, si les consommateurs ont appris à se méfier des vendeurs de « citrons », ils aiment les politiciens qui lui mentent.
Les finances publiques sont mal en point? Entre le candidat qui dit la vérité en proposant de draconiennes mesures d’austérité et celui qui vous promet de générer de la richesse en créant 250 000 emplois, soyez assuré que ce sera le second qui remportera l’élection. Et ce, même si les économistes répètent depuis des lunes qu’un gouvernement ne peut créer d’emplois ni de richesse.
En somme, les politiciens nous mentent parce que nous ne voulons pas entendre la vérité. Aussi, ce n’est que le jour où les électeurs valoriseront l’honnêteté et pénaliseront le mensonge que l’on mettra fin aux inepties politiciennes.
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D’ici là, cessons de jouer les vierges offensées. L’erreur de Bernard Drainville n’est pas d’avoir menti, c’est plutôt de s’être fait prendre en flagrant délit.
Soyons sérieux, si on installait un détecteur de mensonges aux portes de l’Assemblée nationale, on n’atteindrait probablement pas le quorum…

jeudi 1 mai 2014

Certifié 100% libre de subventions

Le Journal de Québec ( p.20 ) et Journal de Montréal (p.36), 1er mai 2014.

Afin d’informer les consommateurs, certains produits s’affichent « bios » ou « fabriqués au Québec ». Pourquoi pas! Personnellement, j’apprécierais que les entreprises et les organismes qui survivent et prospèrent sans aide de l’État affiche le logo suivant : « certifié 100% libre de subventions ».
Une économie dopée aux subventions
Si l’on additionnait les programmes d’aide financière proposés par nos gouvernements fédéral, provincial et municipal, on en dénombrerait des milliers. Le seul gouvernement du Québec en compte plus de 800 : des subventions pour les organismes, les entreprises, les festivals, etc.
Vous avez un projet farfelu? Qu’importe, il y a sûrement une firme de démarchage ou un lobbyiste qui tirera profit à vous trouver une subvention quelque part au gouvernement.
L’État finance directement ou indirectement à peu près n’importe quoi. Tellement, qu’il est  plus difficile de trouver un organisme ou une entreprise non subventionné que l’inverse.
Certifier les organismes et les entreprises.
Le logo « certifié 100 % libre de subventions » attesterait que l’organisme ou l’entreprise en question ne reçoit aucune aide financière de l’État.
Ce faisant, il permettrait aux consommateurs/contribuables de distinguer les initiatives économiquement viables de celles qui plombent nos finances publiques.
Ce logo enverrait également le message aux consommateurs que les employés de cette entreprise sont concentrés à le satisfaire plutôt qu’à remplir des formulaires de demandes de subvention.
Cécile Philippe (1), de l’Institut économique Molinari, croit également qu’une telle certification pourrait stimuler la générosité volontaire à l’endroit des organismes communautaires : « En donnant à une association sans subvention publique, vous avez la certitude de financer une cause dont la défense dépend de votre générosité et de celle de vos congénères ».
Valoriser l’indépendance de l’État.
Ce n’est un secret pour personne, notre économie vacille et nos finances publiques sont à bout de souffle. Malgré tout, nos entreprises et organismes continuent à dépenser des sommes considérables pour s’attirer les faveurs de l’État; des ressources qu’elles détournent d’un emploi productif vers des activités essentiellement politiques et bureaucratiques.
Si le gouvernement est sérieux dans sa volonté de réformer ses programmes, il pourrait commencer par détaxer (ex. : réduire la TPS) les produits « certifiés 100% libre de subventions » et surtaxer ceux qui reçoivent une aide financière de l’État.
Ainsi, il serait assuré de valoriser les initiatives productives et efficaces tout en pénalisant la dépendance aux subventions.
De plus, en rendant visible le coût de ses largesses, il créerait une dynamique d’autofinancement de ses subventions auprès de ceux qui vivent accrochés aux mamelles de l’État.
Bref, en affichant le logo « 100% libre de subventions », une entreprise ou un organisme nous rappellerait qu’il est possible de vivre et de prospérer sans les politiciens et les fonctionnaires de l’État. Dans un Québec intoxiqué aux subventions, cela apparaîtrait comme un exploit.