Filip
Palda et Pierre Simard
L’Agence américaine antidopage
(USADA) déposait récemment un rapport reprochant à Lance Armstrong l’usage de
produits dopants durant sa carrière cycliste. C’est grâce à la dénonciation
d’anciens coéquipiers qu’on aurait finalement réussi à clouer le cercueil du
septuple vainqueur du Tour de France. Depuis, Lance Armstrong est honni
à la face du monde. Est-il vraiment coupable de dopage? Nous demeurons sceptiques
face à ce rapport qui aura, malgré tout, réussi à saper la réputation de l’ex-champion
cycliste.
Si les éléments de preuve avancée
par l’USADA semblent inébranlables, c’est seulement qu’on accorde une
importance démesurée aux ouï-dire et qu’on néglige d’autant les preuves directes
et scientifiques. Des preuves qui, malgré les nombreuses allégations, ont été impossibles
à établir à ce jour. Aujourd’hui, force est de constater que si cette nouvelle controverse
est accablante pour Lance Armstrong, elle l’est tout autant pour la
bureaucratie de l’antidopage.
Oublions les « on-dit »,
les potins ainsi que les rumeurs et prêtons-nous à un court exercice. Supposons,
comme l’affirme certains de ses coéquipiers, que Lance Armstrong a utilisé des
drogues améliorant sa performance pendant toute sa carrière post cancer. Faisons
l’hypothèse, comme le veut la rumeur, qu’il était le roi de la triche et qu’il pouvait
contourner les tests antidopage dans 99 % des cas (le crime n’est jamais
parfait, même lorsqu’on parle d’Armstrong). Enfin, tenons pour acquis que Lance
Armstrong dit vrai lorsqu’il affirme avoir été testé 500 fois dans sa carrière.
Les outils de l’analyse statistique
nous permettent de calculer que les probabilités qu’Armstrong échappe à un
contrôle positif dans ces circonstances sont de sept dixièmes d’un pour
cent (0,07 %). En somme, la probabilité que le cycliste ait pu échapper
aux tests de l’agence — malgré son génie de la triche — est donc infime.
Statistiquement, les probabilités d’être contrôlé positif en au moins une occasion
était de 99,3 %, et ce, malgré sa faculté à pouvoir contourner les tests
antidopages 99 fois sur 100.
Comment l’USADA peut-elle nous
expliquer cette capacité quasi-miraculeuse de Lance Armstrong à contourner les
tests antidopages? C’est un défi à la statistique, voire à la raison. À moins,
évidemment, que Lance Armstrong ne se soit pas dopé…
La
conspiration du silence.
La seconde thèse de l’Agence
repose sur l’idée que Lance Armstrong a orchestré une vaste conspiration du
silence autour de ses séances de « piquerie ». C’est ainsi qu’à
chaque Tour de France auquel il a participé, ses sept coéquipiers auraient comploté
avec lui pour déjouer les investigations incessantes des agences antidopages.
Voilà qui nous laisse également songeurs.
L’analyse économique de la conspiration
nous enseigne que l'incitation à participer à un complot est concevable lorsque
les gains de la tricherie sont supérieurs à ceux qu’on pourrait tirer d’une
dénonciation. Pourquoi les coéquipiers d’Armstrong auraient-ils accepté de participer
à ce complot alors que sa dénonciation aurait pu leur procurer une rente considérable?
Le dénoncer n’était-elle pas l’occasion inespérée pour eux de devenir des héros,
d’obtenir un contrat pour un livre ou même un moyen de dédouaner leur propre
tricherie? Les gains potentiels d’une dénonciation étaient beaucoup plus
importants que la compensation qu’Armstrong aurait pu leur verser pour acheter
leur silence.
En réalité, le fait qu'aucun d’eux
n’ait porté des accusations contre lui suggère que les gains anticipés d’une telle
dénonciation étaient insuffisants à l’époque. À moins, évidemment, que Lance Armstrong
ne se soit pas dopé…
Aujourd’hui, les gains d’une
dénonciation de Lance Armstrong semblent s’être accrus considérablement. Ils
sont nombreux à s’abreuver à la rente de déchéance de l’ancien « boss »,
en particulier le principal acheteur de ces délations, qui cherche depuis des
lunes à prouver son efficacité en détrônant l’icône du cyclisme.
Bref, même si vous n'êtes pas un admirateur de Lance Armstrong ou que vous n’avez
aucun intérêt pour l’analyse économique des conspirations, l’affaire Armstrong
n’offre que deux interprétations possibles : soit cette vaste bureaucratie de
l’antidopage (qui coute des millions de dollars) est gravement incompétente et
leurs tests sont aussi inefficaces qu’inutiles, soit Lance Armstrong est tout
simplement innocent. L’un n’exclut pas l’autre, évidemment!