jeudi 31 janvier 2013

Les raisins

La Presse.ca, La Presse Débats, jeudi le 31 janvier 2013.
Une demande de recours collectif a été déposée contre la Société des alcools pour dénoncer ses marges bénéficiaires disproportionnées, exorbitantes et déraisonnables. D’après vous, devrait-on mettre fin au monopole de la SAQ au profit de la libre concurrence ?
Les raisins
En protégeant le monopole de la Société des alcools et en interdisant toute concurrence, le gouvernement prend les consommateurs pour des raisins. Et en matière de pressage du raisin, avouons-le, notre monopole public excelle : les dividendes de la SAQ sont toujours de grands millésimes. En 2011-2012, malgré de généreux bonis à ses gestionnaires et à ses employés, notre société d’État a réussi à verser près d’un milliard de dollars au Trésor public, sans compter évidemment les 470 millions de TVQ prélevés par le gouvernement. Devrait-on mettre fin au monopole de la SAQ au profit de la libre concurrence? C’est trop évident! La concurrence favoriserait une meilleure efficacité dans la distribution des produits et une baisse des prix. Par contre, j’ai l’étrange sentiment que chaque gain d’efficacité et chaque cent que pourra gagner le consommateur d’une telle opération seront récupérés d’une façon ou d’une autre par notre gouvernement. Au Québec, il est toujours dans l’intérêt public de saigner les consommateurs et les contribuables. C’est triste à dire, mais nous sommes des raisins.

mercredi 30 janvier 2013

Droits de scolarité: quelle est la meilleure solution?

La Presse.ca, Presse Débats, mercredi le 30 janvier 2013.
Le gouvernement Marois jongle avec plusieurs scénarios qui prévoient des augmentations de droits de scolarité variant de 2 à 3,5%, soit de 46 $ à 83 $ par année. Le gouvernement Charest avait prévu une hausse de 254 $ par année pendant sept ans. De son côté, la CAQ souhaite que quatre grandes universités puissent fixer leurs droits de scolarité et que, dans les autres universités, on module les droits de scolarité selon le domaine d'études. Que privilégiez-vous comme solution?
Laissez-faire!
Il faudrait autoriser nos universités à déterminer elles-mêmes les droits de scolarité, et ce, en fonction de la demande pour leurs divers programmes de formation. Les droits de scolarité deviendraient en quelque sorte un indicateur de la valeur réelle de ces formations. Dans un tel scénario, les programmes prisés par les étudiants seront ceux qui offrent le meilleur ratio qualité-prix; ceux qui leur en donneront pour leur argent; ceux qui leur permettront de rentabiliser leur investissement par l’accession à un emploi qui valorise la formation qu’ils ont chèrement acquise. N’ayez crainte, nos étudiants savent ce qui est bon pour eux. Ils bouderont ces programmes douteux qui ne satisfont pas leurs attentes; ils fuiront ces programmes qui ne mènent nulle part, sinon au chômage. Nous n’aurons plus besoin du bon jugement d’un ministre pour discriminer ce qui va ou ne va pas dans les universités québécoises. Les clientèles étudiantes s’en occuperont très bien.

mardi 29 janvier 2013

Regard d'économiste sur nos universités


La Presse, mardi le 29 janvier 2013, Débats, p.A13 (disponible sur La Presse.ca)

Nos universités sont malades. Les grands acteurs du monde universitaire divergent sur les causes, mais s’entendent sur le remède : l’État doit payer davantage.
Imaginez un instant si l’industrie de la construction était gérée comme nos universités… Nous aurions alors une industrie financée par l’État où les consommateurs pourraient acheter une maison pour une fraction de son coût de construction!
Que se passerait-il? La demande pour des résidences exploserait et on devrait confier à une bureaucratie la tâche d’édicter des règles d’attribution pour discriminer entre les acheteurs. Conséquemment, nos constructeurs d’habitation ne se sentiraient plus obligés de répondre aux préférences de leurs clients, et ces derniers n’auraient d’autre choix que de manifester, de faire la grève, voire de recourir à la violence pour exprimer leurs préférences. À terme, on assisterait à une course aux rentes permettant aux principaux acteurs du domaine de piller le trésor public.
Voyez ce qui se passe dans les universités.
En 1970, J. Buchanan (Nobel d’économie 1986) et N. Devletoglou* s’interrogeaient sur les universités qui sont financées par l’État et où les étudiants ne paient qu’une fraction du coût de leur formation. En les comparant à une entreprise privée, ils leur attribuaient trois caractéristiques : 1) Les propriétaires n’ont aucun pouvoir : ceux qui paient, c’est-à-dire les contribuables, n’exercent aucun contrôle sur la gestion de ces universités; 2) Les producteurs n’ont rien à vendre : les professeurs de ces universités n’ont pas besoin de performer pour vendre leurs services; 3) Les consommateurs n’ont d’autres choix que de consommer ce qu’on leur offre : les étudiants, qui achètent les services de ces universités à un prix dérisoire, sont incapables d’influencer les services qu’on leur offre.
Si cela est vrai aux États-Unis, imaginez au Québec… où toutes les universités sont lourdement subventionnées par l’État.
Aux yeux de l’économiste, nos institutions universitaires s’apparentent à des organismes à but non lucratif ou des ONG subventionnées : elles sont à la poursuite de rentes de l’État où les acteurs s’activent à préserver leur marge discrétionnaire.
Les rencontres préalables au sommet de février nous en ont d’ailleurs fait une éloquente démonstration.
On y a vu des gestionnaires universitaires jouer les lobbyistes; nier avoir cherché à ponctionner les fonds publics; se défendre d’avoir relaxé leurs règles d’admission et d’avoir multiplié les programmes et les campus pour recruter de nouveaux étudiants afin de gonfler la subvention du ministère par « tête de pipe ». Des recteurs qui déplorent le sous-financement universitaire, mais qui se font discrets sur la marge discrétionnaire qui leur a permis de se verser de généreuses augmentations de salaire et des indemnités de départ.
Des fédérations de professeurs qui prêchent les vertus supérieures de l’université publique et qui réclament une charte pour se protéger des « attraits capiteux du moment ». Comme si nos universités étaient des tours d’ivoire et que les professeurs avaient besoin de la protection de l’État pour éviter d’être happés par des incitations de producteurs; comme s’il fallait cimenter la liberté des professeurs d’enseigner ce que bon leur semble et les dégager de leur responsabilité d’adapter leur cours aux besoins des étudiants et du marché du travail.
Il ne faut donc pas se surprendre de voir des leaders étudiants – qui, vraisemblablement, n’attribuent pas une très grande valeur à la formation qu’ils reçoivent – investir leurs énergies à se tailler une carrière sur le marché politique en appelant à une révolution dont l’aboutissement serait de reconduire, voire de sacraliser le système qu’ils dénoncent.
Mais où va notre ministre avec son sommet? Tant qu’il persistera à écarter l’option d’une hausse substantielle des droits de scolarité, son sommet restera une table de revendications où les grands acteurs exigeront toujours plus d’argent public pour satisfaire leurs besoins spécifiques. Ce n’est sûrement pas ce que les contribuables – les propriétaires de nos universités – attendent de cet exercice.
Ce n’est que lorsqu’on obligera nos universités à tirer une large part de leurs revenus des droits de scolarité qu’elles seront forcées de faire le ménage dans leurs programmes de formation et de se concentrer sur ceux qui ont une valeur ajoutée pour les étudiants. On stimulera ainsi la concurrence entre nos universités.
Quand une partie importante de leurs revenus sera tributaire de leur capacité à convaincre les étudiants et le marché de l’emploi de la qualité de leurs programmes, nos universités n’auront guère d’autre choix que de viser l’excellence.
* Buchanan, James M., et Nicos E. Devletoglou. Academia in Anarchy: An Economic Diagnosis, New York and London, Basic Books Inc., 1970, 187p.

vendredi 25 janvier 2013

Devrait-on encourager le forage pétrolier en Gaspésie?

La Presse.ca, La Presse Débats, vendredi le 25 janvier 2013.

Devrait-on autoriser le forage d'un puits de pétrole par l'entreprise Pétrolia en Gaspésie? Le Québec a-t-il avantage à encourager l'exploitation de la filière pétrolière?
LES AGITATEURS D'ÉPOUVANTE
Au Québec, on trouve toujours une raison valable pour retarder un projet visant l'exploitation de nos ressources pétrolières et gazières. On préfère appliquer le principe de précaution et se vautrer dans l'immobilisme. Si un projet présente des effets potentiellement néfastes, il faut immédiatement l'arrêter. Comme si on pouvait éliminer tous les risques associés à une quelconque activité; comme si décourager l'exploitation de la filière pétrolière était la garantie d'un développement durable. Le Québec précautionneux condamne nos promoteurs à être l'otage des groupes de pression. Les agitateurs d'épouvante ont même ainsi réussi à élever au rang de « choix de société » la protection de leurs dadas et privilèges. Il serait peut-être temps que le Québec sorte de sa torpeur et prenne conscience que notre immobilisme présente aussi un risque : celui de s'enliser dans la pauvreté.

jeudi 10 janvier 2013

Les députés transfuges devraient-ils se faire réélire?

La Presse.ca, La Presse Débats, jeudi 10 janvier 2013

Le gouvernement Marois souhaite forcer tout député qui veut changer de parti à se faire réélire dans sa circonscription. Un député pourrait cependant siéger comme indépendant sans devoir solliciter à nouveau le soutien de ses électeurs. Qu’en pensez-vous ?
Le romantisme politique
Le butinage politique n’est ni un phénomène récent, ni propre à un parti ou au Québec. Il est toutefois ironique d’observer des politiciens, soi-disant altruistes, adopter des règles pour gérer leur opportunisme. En fait, les politiciens ne sont pas moins égoïstes que les citoyens : ils maximisent leur intérêt personnel. On connaît d’ailleurs leurs motivations : la première est de se faire élire, la seconde est de se faire réélire. Les autres motivations? Ça dépend… des sondages. La proposition du gouvernement Marois ne changera rien à cette réalité; tout ça n’est que diversion cosmétique. Libéré de la ligne de parti, le transfuge pourra toujours siéger comme indépendant et vendre son vote en chambre à un parti d’opposition. Des sondages favorables pourront même l’inciter à se présenter sous une nouvelle bannière. Le but premier d’un politicien est, et sera toujours, d’accéder et de se maintenir au pouvoir. La proposition péquiste doit donc être classée dans la catégorie du romantisme politique; elle ne devrait pas nous faire oublier que les politiciens qui n'ont aucun scrupule à vendre leur âme pour se faire élire sont les mêmes qui gèrent vos impôts et qui réglementent votre vie pour se faire réélire.

mardi 8 janvier 2013

Les partisans passeront-ils l'éponge?


La Presse.ca, La Presse Débats, mardi 8 janvier 2013.
Comment réagissez-vous à la fin du lock-out dans la LNH? Croyez-vous que les partisans vont facilement pardonner au Canadien, aux joueurs et à la ligue ce conflit qui les a privés de hockey pendant quatre mois?
ON PEUT VIVRE SANS HOCKEY
Geoff Molson déclarait que Montréal avait besoin de hockey : « Ça fait partie de notre culture, ça fait partie de nous.» Peut-être, mais n'exagérons rien. Montréal peut vivre sans hockey et l'économie du Québec ne dépend pas du Canadien. En 2006, trois économistes américains (Baade, Baumann et Matheson) publiaient une étude sur les conséquences économiques des grèves et des arrêts de travail dans le sport professionnel. Ils ont observé qu'aucune des six nouvelles franchises ou des huit nouveaux stades construits dans l'État de la Floride depuis 1980, pas plus que les nombreux arrêts de travail qui ont marqué les divers sports professionnels depuis, n'ont généré d'augmentation ou de diminution statistiquement significative des revenus de la taxe de vente. Bref, l'arrêt de travail de la LNH aura peut-être privé les Québécois d'un sport qu'ils aiment, mais nous pouvons vivre sans hockey professionnel et nous savons nous divertir autrement. Soyez sans crainte, l'avenir du économique du Québec n'a rien à voir avec le dossier P.K. Subban, ni avec le chiffre d'affaires des tenanciers de bar à proximité du centre Bell. Le hockey est essentiellement un business qui doit maintenant reconquérir le cœur des fans qui ont pu goûter, pendant quatre mois, à une offre récréative concurrente.