Le Devoir, mardi le 3 avril 2018.
La ville de Québec peut-elle s’offrir le luxe d’un « troisième lien » en plus d’un tramway? Pas vraiment. Le succès du nouveau réseau de transport en commun de la Capitale passe par l’abandon du projet de construction d’un nouveau pont.
La ville de Québec peut-elle s’offrir le luxe d’un « troisième lien » en plus d’un tramway? Pas vraiment. Le succès du nouveau réseau de transport en commun de la Capitale passe par l’abandon du projet de construction d’un nouveau pont.
Transport collectif
Il n’y a rien de vraiment surprenant à ce que les autorités
publiques aient d’abord choisi d’investir dans le transport en commun plutôt
que dans un troisième lien. On a pu observer ailleurs que la multiplication des
ponts ne faisait que repousser les problèmes de congestion.
Bien que la plupart des spécialistes conviennent qu’à long terme le transport en commun est une option de mobilité urbaine plus prometteuse, encore faut-il qu’il soit utilisé à sa juste mesure.
Or, l’achalandage dans les transports en commun opérés par le Réseau
de transport de la Capitale (RTC) a toujours été famélique. Un désintérêt
attribuable, semble-t-il, à un service désuet et peu efficace.
Le tramway annoncé en grande pompe changera-t-il la donne? Les études montrent que si les tramways améliorent le confort des usagers, ils n’augmentent pas automatiquement l'achalandage.
Du reste, outre un sondage SOM qui nous révèle que le
projet suscite l’adhésion d’une partie de la population de Québec, nous avons
peu d’indices nous laissant croire que les usagers afflueront vers le tramway.
Concurrence de l’automobile
Le succès du futur tramway de Québec repose donc sur sa capacité à concurrencer l’automobile, en faisant migrer les automobilistes de la région de Québec vers le nouveau réseau de transport en commun.
Une chose est claire toutefois, il sera impossible d’attirer des automobilistes
dans ce nouveau réseau si on continue à subventionner l’automobile.
Là où le bât blesse, c’est quand des politiciens prétendent que le
dossier du troisième lien est indépendant du tramway et qu’ils promettent de réaliser
les deux de front.
Dans la mesure où la congestion des ponts est le seul frein à son usage (une
tarification indirecte), la construction d’un nouveau lien rapide et gratuit saperait
inévitablement l’intérêt de l’usager des ponts à migrer vers le nouveau réseau
de transport en commun.
Pire encore, on inciterait le résident de Québec à déménager sur la rive
sud pour économiser sur la prix du sol, et à privilégier l’automobile pour ses
déplacements. Du moins, jusqu'à ce que ce
nouveau lien soit lui-même saturé…
Essaimage
Nous n’avons plus les moyens d’essaimer les subventions à caractère
électoraliste dans les ponts et chaussées. Il faut dorénavant introduire un peu
de cohérence dans les investissements publics. Il est également temps d’assumer
ses choix d’investissements. Les politiciens ne doivent plus détruire de la
main gauche ce que d’autres tentent de bâtir de la droite.
Maintenant qu’ils ont décidé de privilégier le tramway, nos
décideurs publics doivent faire en sorte que cet investissement de 3 milliards $
ne soit pas jeté par les fenêtres. Il faut en conséquence privilégier son interconnexion
avec la rive sud, renoncer à la construction du troisième lien et s’assurer que
le subventionnement du réseau routier de la Capitale n’incite pas à la
désertification du futur réseau de transport en commun.
Le tramway n’a peut-être pas la réputation d’être le plus efficace
des moyens de transport collectif, mais nos élus doivent avoir la décence de ne
pas en faire un fiasco avant même sa construction.