Journal de Montréal et Journal de Québec , le 29 septembre 2014. (JQ p.14 et JM p.32)
Jusqu’ici, la réforme Barrette me laisse de glace. Au fil
des ans, les mirages de réforme administrative de notre système de santé ont
été si nombreux que j’ai développé les symptômes d’une grave maladie : le « réformo-scepticisme ».
Chaque nouveau gouvernement nous promet de soigner la bête.
C’est normal! Les partis politiques nouvellement élus sont tous affligés
d’un biais pour l’action. Ils doivent montrer aux électeurs qu’ils ont les
choses en main, qu’ils ont les solutions à tous les problèmes. La passivité
d’un politicien est toujours lourdement pénalisée par l’électorat.
Je l’admets, le ministre Barrette a le sens du spectacle. Abolir
18 ASSS, fusionner les 182 CSSS,
créer des CISSS chargés de chapeauter les CJ, les CH, les CR et les CLSC, ça
fait pour le moins sérieux.
Ce brassage d’acronymes cherche sans doute à donner
l’illusion que la réforme en cours est fondamentale, mais il n’en est rien. Ce
qu’on sait à ce jour de la réforme Barrette ne sort pas des sentiers battus par
les réformes précédentes : on concentre ou déconcentre l’administration
d’un système fondamentalement centralisé.
Depuis les années 1970, notre système reste lourdement financé
par l’État. Il a toujours été contrôlé et financé par l’autorité centrale, c'est-à-dire
le ministère de la Santé et, ultimement, le Conseil du trésor qui procède à
l’allocation des budgets. Or, ce n’est pas en brassant les structures et en renforçant
le pouvoir du Ministre sur l’administration qu’on révolutionne les services aux
usagers et qu’on change la culture du système.
Le seul élément de la réforme Barrette qui pourrait
éventuellement rapprocher l’usager des choix budgétaires en santé, c’est le
financement des organismes par activité. On dit que ce projet de loi serait le
prélude à un financement basé sur le volume d’activités des établissements, et
non plus simplement sur la reconduction historique des budgets.
Comme proposé dans un rapport d’experts déposé en février
dernier, une telle réforme viserait à établir un lien direct entre le patient,
les soins prodigués et leur financement. Dans la mesure où les revenus des
établissements dépendraient du volume de services rendus et du nombre de
clients qu’ils attirent, on présume qu’ils seraient incités à offrir des
services mieux adaptés aux attentes de leur clientèle.
Évidemment, un tel mode de financement s’apparente à la
tarification à l'acte chez les médecins, un système qui n’est pas sans
reproches. Malgré tout, cette mesure pourrait inverser la tendance qu’ont
plusieurs de restreindre l’offre de service pour équilibrer le budget qui leur
est consenti par Ministère.
Financement par activité ou non, il reste qu’on ne pourra
jamais dépolitiser notre système de santé tout en conservant un financement
principalement public. Comme nous le rappelle le professeur Gérard Bélanger dans
L’économique de la santé et l’État
providence, il y a un vieux dicton qui dit : « Who pays the piper
calls the tune ». Aussi, tant que le gouvernement refusera une plus grande
ouverture au privé en santé, c’est lui qui choisira la musique!