vendredi 30 mars 2012

Budget Flaherty: des compressions nécessaires?


La Presse.ca, La Presse Débats, vendredi le 30 mars 2012.
Dans son budget, le ministre Jim Flaherty a annoncé des compressions de 5,4 milliards $ et la suppression de 19 200 postes dans la fonction publique fédérale. La situation économique et financière du Canada justifie-t-elle ces coupes ?
DES COUPES MODESTES 
Vous pouvez attendre avant d’accumuler des provisions dans votre sous-sol… la catastrophe annoncée n’aura pas lieu. Les dénonciateurs du « Harpeurisme» de droite idéologique et sans compassion, jetant femme et enfant à la rue, auront eu tout faux. Il y a peu de chance que ce budget Flaherty ne vous mette sur la paille, ou même que vous en ressentiez les effets à court et moyen terme. Outre quelques réformes intéressantes qui annoncent un désengagement graduel de l’État, les coupes prévues au budget sont relativement modestes. Alors que les transferts aux particuliers et aux provinces demeurent inchangés, ce sont seulement les dépenses discrétionnaires du gouvernement (75 milliards $ sur 268 milliards $ en dépenses de programmes) qui ont subi une baisse de 6,9 % sur trois ans. C’est vrai que l’annonce d’une suppression de 19 200 postes peut sembler énorme, mais il faut savoir relativiser les choses. Elles n’annuleront même pas les 32 000 postes créés par ce même gouvernement depuis 2006. D’autant plus qu’une grande partie de ces suppressions se fera par attrition. Évidemment, on entendra beaucoup parler de la coupe de 10 % au budget de Radio-Canada. Toutefois, rappelez-vous que les employés de cette société d’État ont le privilège de faire paraître leurs problèmes plus grands qu’ils ne le sont en réalité.

mercredi 21 mars 2012

Satisfait du budget Bachand?


La Presse.ca, La Presse Débats, mercredi 21 mars 2012.
Êtes-vous satisfait du budget Bachand ? Est-il responsable ? Électoral ? Quelles sont ses meilleures mesures ? Les moins bonnes ?
Les esclaves
Hier était un jour de gala à l’Assemblée nationale : notre ministre des Finances a annoncé les heureux élus de la loterie du budget. Cette année, beaucoup de gagnants se sont partagé des petits lots. La joie était palpable chez plusieurs lauréats. Il fallait voir le maire Labeaume encenser la clairvoyance gouvernementale pour avoir réservé 30 M $ au « Diamant » de Robert Lepage (déjà qu’avec l’amphithéâtre…). Quant aux perdants, on savait depuis deux ans déjà que ce serait les contribuables. C’est comme ça! On a pris l’habitude d’annoncer les perdants à l’avance, histoire d’inhiber l’exaspération de ceux qui doivent assumer les constantes hausses d’impôts décrétées par notre ministre du Bonheur. D’ailleurs, lorsque vient le temps de trouver de nouvelles sources de revenus, M. Bachand ne manque pas d’imagination. En 2012, par exemple, le contribuable assumera une hausse de la TVQ à 9,5%, une hausse de la contribution santé à 200$, une hausse de la taxe sur l’essence, une hausse des cotisations à la RRQ, etc. Si notre ministre était aussi imaginatif pour couper ses dépenses que pour trouver de nouvelles façons de nous plumer, le contribuable n’aurait pas toujours l’impression d’être un esclave au service des ambitions politiciennes.

mardi 20 mars 2012

Aveos: le gouvernement Harper doit-il intervenir?


La Presse.ca, La Presse Débats, mardi 20 mars 2012.

Puisqu’il a adopté une loi spéciale pour interdire un conflit de travail à Air Canada, le gouvernement Harper devrait-il aussi intervenir pour tenter d’empêcher la fermeture d’Aveos et la mise à pied de ses 1800 employés à Montréal ?

Investir dans notre appauvrissement
À chaque annonce d’une fermeture d’usine, on réclame l’intervention de nos politiciens. La liste des réclamations est interminable : les Chantiers Davie, Papiers White Birch, etc. Je ne voudrais pas faire mon rabat-joie, mais si Aveos était une entreprise efficace et compétitive, elle ne serait pas obligée d’enclencher un processus de faillite. C’est essentiellement parce qu’Air Canada obtient un meilleur service ou un meilleur prix pour l’entretien de ses appareils qu’elle va chez un concurrent. En fait, il n’est pas rare que des entreprises disparaissent face à une concurrence qui a su innover ou rationaliser ses coûts. C’est ce que le grand économiste Joseph Schumpeter appelle la « destruction créatrice ». Les entreprises incapables d’acquérir de nouvelles compétences ou de s’adapter disparaissent au profit d’autres entreprises plus innovantes. J’en conviens, c’est triste pour les travailleurs qui se retrouvent au chômage et doivent se trouver un nouveau travail. Mais s’opposer à ces fermetures, c’est freiner le moteur de notre croissance économique. Lorsque nos politiciens se présentent en correcteur de marché en adoptant des lois coercitives ou en accordant des subventions à des entreprises inefficaces, ils ne font que retarder un processus d’adaptation normal dans une économie saine. Sans le savoir, ils investissent dans l’appauvrissement de notre économie.

dimanche 18 mars 2012

Les blues du contribuable!


En tant que contribuable, j’en ai assez d’être à la merci de nos syndicats et groupes de pression. J’aimerais pouvoir me soustraire à leur emprise; ne plus être celui qui paie toujours la facture; ne plus leur servir d’otage pour les aider à faire « cracher » le gouvernement.
Le bien commun semble toujours bénéficier aux mêmes : à quelques groupes bien organisés qui savent faire plier le gouvernement. L’argent ne fait peut-être pas le bonheur, mais le Trésor public attise la convoitise.
J’ai d’abord pensé mettre sur pied un syndicat d’otages. Une puissante organisation vouée à la défense des contribuables. J’ai finalement abandonné l’idée. Le succès d’une action collective est une question de rentabilité. Même si nous estimons être trop taxés, personne n’est intéressé à s’investir pour contrer les hausses d’impôts à répétition décrétées par nos gouvernements. Parce que la réduction d’impôt devra être partagée avec tout le monde, on attendra que quelqu’un d’autre le fasse à notre place. On est victime de ce que la littérature économique appelle le phénomène du passager clandestin.
Les syndicats
Pour nos syndicats, par contre, il très rentable de revendiquer un privilège qui ira directement dans les poches de leurs membres. Surtout si l’octroi de ce privilège dépend de l’État et qu’on peut prendre le contribuable en otage pour lui faire payer la rançon exigée.
Le contribuable peut-il se prémunir contre les prises d’otages? Il faudrait simplement cesser de confier la gestion de notre vie au gouvernement; cesser de lui confier des responsabilités qu’il ne devrait pas assumer. Avions-nous vraiment besoin de l’État pour négocier les conditions de travail de nos éducatrices en garderies? Avons-nous vraiment besoin de lui pour fixer les droits de scolarité de nos universités? Non! Confier ce pouvoir au gouvernement, c’est se livrer en pâture aux grands groupes de pression.
Le rôle de l’État
Le rôle de l’État devrait se limiter à venir en aide à ceux et celles qui n’ont pas les moyens d’accéder à ces services, à aider les familles et les étudiants à revenu modeste. On appelle ça le partage de richesse. Mais le partage de richesse n’a rien à voir avec la négociation des vacances de nos éducatrices, ni avec l’uniformisation des droits de scolarité de nos universités. On parle ici de socialisme.
Le marché libre n’empêche personne de négocier ses conditions de travail avec son employeur. Pas plus qu’il n’empêche les étudiants de revendiquer des privilèges de leur institution. Mais il permet aux dissidents de voter par les pieds en allant chez un concurrent; il permet aux otages d’échapper à leur ravisseur.
Comptabiliser les votes
C’est parce que l’État ne se mêle pas de ses affaires que certains groupes bien organisés peuvent prendre toute une population en otage pour faire avancer leur cause. Des groupes de pression qui ont compris depuis longtemps que les politiciens sont plus préoccupés par la comptabilisation des votes que par une gestion parcimonieuse de nos impôts.
On a tort de croire que le gouvernement peut s’occuper des problèmes de tout un chacun en créant des monopoles ou en centralisant des décisions qu’on pourrait prendre nous-mêmes.
Même s’il est vrai qu’au fil des ans on peut développer une forme collective du syndrome de Stockholm et être empathique à l’endroit de nos ravisseurs, il faudra bien un jour réaliser qu’on a plus les moyens de verser des rançons à nos grands groupes de pression.

vendredi 16 mars 2012

En faveur d'un régime de retraite obligatoire?


La Presse.ca, La Presse Débats, jeudi 15 mars 2012.
Dans son budget qui sera déposé mardi prochain, le ministre des Finances, Raymond Bachand, compte obliger les employeurs à mettre en place un régime de retraite auquel seuls leurs employés seront tenus de contribuer. Êtes-vous d’accord avec cette mesure ?
La discipline
C’est connu, notre ministre des Finances veut notre bonheur. Il aurait d’ailleurs trouvé la solution aux problèmes de pauvreté de nos retraités : dorénavant, c’est l'employeur qui aura la responsabilité de choisir le régime de ses employés et de faire des retenues à la source sur leur salaire. Il suffisait d’y penser. Les REER et autres véhicules d’épargnes ne fonctionnent que lorsque les travailleurs sont disciplinés. Comme nous sommes à ses yeux  des insouciants, voire des accros de la consommation, il a décidé de nous offrir un tuteur. Un tiers qui saura nous imposer la discipline nécessaire à l’épargne. Mais si ce n’était pas le vrai problème? Si le problème d’épargne des Québécois était d’abord une question de revenu disponible? Si une fois que le travailleur a payé tous ses impôts, il ne lui en restait plus suffisamment pour joindre les deux bouts et épargner pour sa retraite? En début d’année, la Fédération canadienne des contribuables nous rappelait que le pouvoir d’achat des Québécois s’éroderait de 4 % en 2012, une érosion attribuable aux  différentes hausses de taxes et de cotisation décrétées par notre bon gouvernement. Et si, au lieu de vouloir discipliner les contribuables, le ministre Bachand s’autodisciplinait en allégeant le fardeau fiscal? Je suis persuadé que nos futurs retraités y gagneraient au change.

mardi 13 mars 2012

Air Canada: une loi spéciale justifiée?


La Presse.ca, La Presse Débats, mardi le 13 mars 2012

Le gouvernement Harper a-t-il raison d’adopter une loi spéciale pour empêcher le déclenchement d’une grève ou d’un lock-out chez Air Canada? Le transport aérien est-il un service essentiel? L’impact d’un conflit sur l’économie canadienne est-il un motif suffisant?

Déficit de concurrence
Air Canada occupe une position dominante dans l’industrie du transport aérien au pays. Ses parts de marché comptent pour 60% des voyages intérieurs et 40% des voyages internationaux. Parce qu’elle profite d’une clientèle captive, elle peut s’approprier une rente de quasi-monopole en imposant des tarifs anormalement élevés sur certains vols intérieurs. Évidemment, cette rente attise la convoitise des syndiqués. D’autant plus, que la captivité de la clientèle sert avantageusement le pouvoir syndical : on peut prendre en otage les voyageurs canadiens pour se faire octroyer des salaires et des bénéfices marginaux démesurés. Arrive alors Big Brother! Le gouvernement réplique en adoptant une loi spéciale censée protéger notre économie et les consommateurs. Décidément, une situation déplorable en entraine une autre.
En réalité, si le gouvernement voulait vraiment protéger les consommateurs, il s’efforcerait de restaurer une saine concurrence dans cette industrie. Une concurrence qui permettrait aux consommateurs de payer un juste prix pour les services de transport aérien; une concurrence qui permettrait aux travailleurs d’exercer leur droit fondamental de faire la grève pour être rémunéré à leur juste valeur. En attendant, cette loi spéciale sert de pansement temporaire à une situation insatisfaisante pour tous les Canadiens.

jeudi 8 mars 2012

Le corporatisme policier


La Presse.ca, Débats, Opinions, jeudi le 8 mars 2012.

Le projet de loi 46 concernant les enquêtes policières indépendantes est-il suffisant? Ce n’est pas l’avis de la protectrice du citoyen, qui réclame des enquêtes impartiales et véritablement indépendantes sur les policiers. Pendant ce temps, nos autorités policières multiplient les efforts pour banaliser le Bureau civil de surveillance proposé par le gouvernement. Leur crainte? Perdre le monopole de l’information lors des enquêtes impliquant des policiers.
Pour l’économiste, le pouvoir monopolistique prête aux abus. Les abus observés en marge des enquêtes policières sont du reste largement discutés dans la littérature. Dans la revue Critical Criminology, Brian Martin explique en détail les méthodes permettant aux corps policiers de se disculper à la suite de bavures policières. Avis aux intéressés!
Au Québec, lorsqu’il y a décès ou blessures graves dans le cadre d’une intervention policière, la pratique veut qu’une enquête soit menée par une autre organisation de police que celle impliquée dans l’événement. Or, selon un récent sondage Angus Reid, 87 % des Québécois remettent en cause ce système. À croire qu’il n’y a que la grande famille policière qui fasse encore confiance aux enquêtes de police sur la police.
Pourquoi les organisations policières veulent-elles conserver le contrôle des enquêtes qui les concernent? Pour mieux pouvoir inhiber l’indignation citoyenne! Dans les heures suivant l’événement, avant même que les policiers impliqués n’aient été rencontrés, on se hâtera de nous informer que la victime était bien connue des policiers, qu’elle souffrait de problèmes mentaux ou qu’elle possédait un lourd casier judiciaire… On profitera même de l’occasion pour laisser entendre que la sécurité des policiers était menacée et que l’utilisation de la force était pleinement justifiée. Comme si on pouvait présumer des résultats de l’enquête.
Cessons d’être naïfs! Les policiers n’ont aucun intérêt à faire la lumière sur les bavures policières. Contrairement au souhait des autorités policières, ce ne sont pas les pouvoirs du Bureau civil de surveillance qu’il faut limiter, mais bien celui des organisations policières elles-mêmes. Ils auront beau nous répéter que seuls les policiers ont les compétences pour enquêter sur leurs pairs, tout ça n’est que du vulgaire corporatisme. Le véritable enjeu du projet de loi 46 est de restaurer la confiance du public envers une institution dont la crédibilité est mise à mal depuis trop longtemps. A-t-on déjà oublié la Commission Poitras?
Pour l’instant, nos forces policières accepteraient la création d’un bureau civil de surveillance à condition d’en limiter considérablement les pouvoirs. Ne nous laissons pas berner : l’ajout d’un bureau civil sans réel pouvoir d’enquête indépendant créera une fausse illusion d’impartialité et ne servira qu’à renforcer la légitimation d’une situation inacceptable. La loi 46 ne doit pas servir à renforcer un pouvoir policier déjà démesuré. Il faudrait peut-être rappeler à nos autorités policières que, dans un État de droit, leur rôle est de faire respecter la loi… et non de faire la loi!
Épilogue: Il faut avoir testé la sensibilité policière pour comprendre l’inquiétude suscitée par une remise en question des enquêtes policières. Dans la foulée de l’incident ayant fait une innocente victime sur la rue Sainte-Catherine, j’écrivais dans La Presse Débats qu’il ne fallait pas trop attendre de l’enquête policière. La famille, c’est la famille, avais-je osé ajouter! Résultat? Mon institution a reçu plusieurs missives des autorités policières pour dénoncer mes propos et ma présumée incompétence à traiter des affaires policières. Avouez que lorsqu’on se sent investi du pouvoir de mettre de la pression sur une institution universitaire et un de ses professeurs pour un billet d’opinion, il y a de quoi s’inquiéter... Me voilà donc récidiviste!


[1] « The beating of Rodney King : the dynamics of backfire », Critical Criminology, Volume 13, no 3, 2005, pp. 307-326.