mardi 24 mai 2011

Lettre ouverte à CHOI radio X



La Presse, Forum, Jeudi le 26 mai 2011, p. A31 (Aussi disponible sur cyberpresse)

En juillet 2004, à votre invitation, cinquante mille personnes marchaient dans les rues de Québec en scandant des slogans en faveur de la liberté d'expression. Sept ans plus tard… vous virez capot!
En effet, voilà que vous songez à organiser une manifestation pour soutenir un projet de loi visant à déposséder les citoyens de leur droit de contester la légalité d’une décision du maire Régis Labeaume. On comprendra que, pour les évangélisateurs de la religion bleue, la fin justifie les moyens. Pathétique et irresponsable!

En vous transformant en «meneuses de claque» du maire Labeaume, vous avez oublié qu’on vit dans une démocratie fondée sur l’État de droit; un système politique qui privilégie la primauté du droit sur le pouvoir illimité des despotes. Un système politique qui permet à tout individu de contester par voie légale les décisions des pouvoirs publics qu’il juge non conformes à la loi. Un système où les autorités politiques sont tenues, au même titre que vous et moi, de respecter la loi.
J’ai peine à imaginer qu’une coalition CHOI/FM93 puisse inciter les citoyens à aller manifester devant le parlement pour forcer les autorités à restreindre nos droits fondamentaux. Comment pouvez-vous vous faire les défenseurs d’un État où la légalité des décisions publiques est tranchée par les politiciens eux mêmes? Comment pouvez-vous affirmer sur les ondes qu’il faut tout faire pour éviter le système judiciaire? N’est-ce pas là le seul contrepoids des citoyens face aux décisions abusives de nos administrations et de nos politiciens? À vous entendre, on a l’impression que la « Nordiques Nation » mène le même combat qu’Hugo Chavez!
Je vous invite à observer ce qui se passe dans le monde. Vous réaliserez qu’un peu partout au Proche-Orient, des millions de citoyens descendent dans les rues, au péril de leur vie, pour réclamer un minimum de droits de leurs régimes autoritaires; que, trop souvent, les droits fondamentaux sont obtenus par des révolutions. Vous remarquerez aussi que nulle part ailleurs, il est question de les brader… pour un club de hockey!
On peut comprendre que la « raison d’État » puisse, en de rares circonstances, mener à la suspension temporaire de certains de nos droits individuels. Toutefois, nous ne sommes pas en guerre; nous n’avons pas été frappés, non plus, par un tsunami ou toute autre catastrophe.
Désolé! Mais on ne largue pas des droits individuels en échange d’une entente de gestion… pour un «éventuel» amphithéâtre… qui abritera un «hypothétique» club de hockey. Même à la veille des séries. Fail!
Vous avez le droit d’être des amateurs de hockey; j’en suis un également! Vous avez le droit de vouloir un amphithéâtre, j’en veux un aussi! Vous avez le droit d’aimer « l’entrepreneurship » de PKP, je l’aime bien aussi! Par contre, vous n’avez pas le droit de vous faire complice d‘un déprédateur de nos libertés afin d’augmenter vos cotes d’écoute ou de vous offrir des billets gratuits aux futures joutes des Nordiques.
Rappelez-vous 2004 et le slogan que vous scandiez : « Liberté! Liberté! »

Abolir le financement public des partis?


La Presse Débats, cyberpresse, mardi le 24 mai 2011.
La Presse Débats: Êtes-vous d’accord avec la décision du gouvernement Harper d’abolir d’ici trois ans le financement public des partis politiques fédéraux ? Croyez-vous que la fin des allocations aux partis nuira au Parti libéral et au Bloc québécois, qui ont vu leur nombre de votes fondre aux dernières élections ?
Les partis fédéraux touchent environ 2 $ de financement public pour chaque vote récolté aux élections. Cette mesure a été introduite par le gouvernement Chrétien lors d’une refonte de la loi électorale en 2003. On cherchait alors à compenser les partis politiques pour un plafonnement des contributions individuelles et l’interdiction faite aux entreprises de contribuer aux caisses électorales. Tom Flanagan, de l’Université de Calgary, a estimé que ce financement public avait permis aux partis d’augmenter leurs revenus de 50 %. L’enjeu financier est donc de taille. Chez les partis d’opposition, on argumentera évidemment que le financement public favorise l’exercice démocratique et rend les partis moins tributaires des grandes entreprises et des citoyens plus fortunés. Ce qu’ils omettront de dire, c’est qu’ils bénéficient, outre ce financement public, d’importants crédits d’impôt et d’un remboursement de leurs dépenses électorales. Encore une fois, ce sont les impôts des citoyens qui font l’objet de la convoitise des politiciens. Jusqu’où peut-on favoriser la bureaucratisation des partis politiques? Jusqu’où peut-on forcer les contribuables à soutenir des partis dont ils ne partagent pas les idées? Obliger les politiciens à parcourir leur comté pour rencontrer des citoyens et leur quêter un peu d’argent n’est sûrement pas un exercice futile en démocratie.