Journal de Québec et Journal de Montréal, dimanche le 31 août 2014, (JQ p.12 et JM p.40 )
Nos politiciens sont unanimes : tout le monde doit
payer sa juste part d’impôt. La médiatisation des affaires Burger King et
Valeant leur aura d’ailleurs permis de renouveler l’appel à la solidarité
fiscale… Comme si payer de l’impôt était une question de patriotisme et de loyauté nationale.
Au risque de décevoir nos « mère Teresa » de la
fiscalité, je crois qu’il serait plus juste de dire que tout le monde veut que « l’autre »
paie sa juste part d’impôt. Désolé, mais lorsque vient le moment d’envoyer le
fruit de son labeur au fisc, les élans de solidarité ont tendance à s’estomper.
Je ne sais pas si c’est parce que j’ai de mauvaises
fréquentations, mais personne de mon entourage ne remplit sa déclaration de
revenus de gaieté de cœur. La plupart font même appel à des spécialistes pour
payer le moins d’impôt possible.
Je n’ai jamais entendu, non plus, un diplômé de mon université
dire qu’il était heureux d'accéder au marché du travail pour pouvoir payer des
impôts. II sont surtout préoccupés par la recherche d’un emploi rémunérateur
qui justifiera l’investissement de plusieurs années d’études. Certains se
découvrent même un soudain attachement au fédéralisme canadien pour fuir
librement vers les gros salaires et la faible imposition de certaines provinces
de l’Ouest.
Contrairement à ce qu’on nous laisse entendre, les
particuliers qui s’expatrient pour améliorer leur qualité de vie, ou les
entreprises qui déménagent leur siège social au Canada pour payer moins d’impôt
qu’aux Etats-Unis, ne sont pas des monstres d’ingratitudes. Ce sont seulement
des citoyens préoccupés par leur bien-être, ou des dirigeants qui souhaitent
accroître la rentabilité de leur entreprise et verser de meilleurs dividendes à
leurs actionnaires.
De fait, les particuliers comme les entreprises réagissent
aux incitations fiscales. Ils profitent de leur mobilité pour ne pas se laisser
emprisonner par des politiciens qui n’aspirent qu’à leur en soutirer davantage.
Et c’est bien ainsi!
En effet, la concurrence fiscale permet aux gens mobiles de
choisir la combinaison services publics/impôt qui correspond le mieux à leurs
préférences. Elle leur permet dans d’autres cas de voter par les jambes pour
exprimer leur mécontentement à l’endroit de certaines décisions politiques qui
les pénalisent.
Plutôt que de diaboliser la concurrence fiscale, on devrait
la saluer. Pourquoi? Simplement parce qu’elle empêche les politiciens d’abuser
de nous.
Plus nos politiciens usent de leur pouvoir de taxation, plus
ils encouragent les particuliers et les entreprises à quitter la province. Or,
plus les gens partent, moins le gouvernement retire de revenus de l’impôt. Voilà
qui freine les ambitions spoliatrices de nos élus, et les incitent à une
meilleure gestion du trésor public.
N’oublions pas que les vrais coupables de notre résistance à
l’impôt, ce sont ces politiciens eux-mêmes. Si, à l’origine, l’impôt était un
moyen collectif de s’offrir des services, il est devenu peu à peu un moyen de
financer l’essaimage de privilèges politiques.
Soyons réaliste, s’il y a des paradis fiscaux, c’est qu’il existe
des enfers fiscaux!