Alors que le « promessomètre »
électoral québécois atteint des niveaux ridicules, les chantres de la
démocratie investissent les médias pour nous rappeler qu’il est de notre devoir
d’aller voter. Devrait-on les écouter? À vous de décider!
Vous avez le sentiment que les politiciens
vous racontent n’importe quoi. Aucun parti politique ne répond à vos
aspirations. À vos yeux, qu’un parti prenne le pouvoir plutôt qu’un autre ne
change rien. Dans ce cas, il n’y a pas de mal à rester chez vous et à vous
abstenir. (Ô sacrilège!)
Pourquoi donneriez-vous votre consentement à
des propositions électoralistes du simple fait qu’on clame, haut et fort, que
vous devez remplir votre devoir de citoyen? Voter n’est pas un devoir, c’est un
droit!
Achèteriez-vous une maison qui vous rebute?
L’achèteriez-vous sans la visiter ou sans vous informer des frais qui s’y
rattachent? Sûrement pas! Pourquoi donneriez-vous votre aval à ce que des élus
s’accaparent une part appréciable de vos revenus en échange de l’adoption de
centaines de lois et de règlements dont vous ignorez la teneur et les
conséquences; en échange de services publics dont vous jugez ne pas avoir
besoin?
Soyons honnêtes, comme l’expliquent les
économistes des choix publics, beaucoup d’électeurs font désormais la sourde
oreille aux politiciens. Ce sont pour la plupart des citoyens avisés (des
ignorants rationnels) qui ont décidé de ne plus investir de temps et d’argent à
connaître les tenants et aboutissants des promesses des partis politiques.
Estimant que leur vote a peu de chance d’influer sur le résultat des élections,
ils ne voient pas d’intérêt à analyser de vagues et pompeuses promesses
électorales dont les conséquences sont, avouons-le, pratiquement inextricables.
Malgré tout, on ne cesse de les harceler pour
qu’ils aillent voter. Comme s’il suffisait de développer un slogan accusateur
ou un message télévisé culpabilisateur pour ramener les électeurs dissidents
dans l’isoloir.
Évidemment, l’insistance de la classe
politique à amener le plus grand nombre de citoyens aux urnes n’est pas
désintéressée. D’abord parce que chaque parti politique reçoit du Directeur
général des élections une allocation annuelle basée sur les votes recueillis
lors des dernières élections (0,85 $ par électeur en 2012). Ensuite, et
surtout, parce que nos politiciens ont besoin du consentement du plus grand
nombre pour se légitimer.
Même si l’absentéisme électoral n’empêche pas la prise du pouvoir, le silence
d’une partie significative de l’électorat est un acte politique non
négligeable. Le refus de l’électeur de cautionner les diverses propositions
politiques qui lui sont offertes remet en question la légitimité des élus dans
l’exercice de ce pouvoir. Par exemple, lorsque le citoyen refuse de voter à
l’aveuglette, il devient plus difficile de justifier des politiques à caractère
électoraliste ou partisan en affirmant qu’un fort pourcentage de l’électorat
appuie la démarche.
Rassurez-vous, s’abstenir de voter n’est pas
inutile. C’est aussi envoyer un message aux politiciens : celui
qu’ils ont été incapables de répondre à vos aspirations. Au risque de déplaire
aux hérauts de la participation électorale, lorsque les politiciens ne sont
plus capables de donner aux électeurs une bonne raison d’aller voter, l’absentéisme
a le mérite de servir de coup de semonce à une élite politique déconnectée de
ceux qu’elle aspire à représenter. C’est aussi ça, la démocratie!