jeudi 30 août 2012

Rien d’important ne se passera le mardi 4 septembre 2012!

La Presse.ca, La Presse Débats, jeudi le 30 août 2012.

Rien d'important!
La présente campagne électorale est encore une fois haute en couleur. Chacun des chefs de parti promet mer et monde aux électeurs; chacun d’eux s’engage à mener les Québécois vers le bonheur éternel par des décisions toujours plus efficaces. C’est ainsi que pour plusieurs électeurs, l’accession de Pauline Marois comme première femme au poste de premier ministre est annonciateur d’un changement profond de la politique québécoise. Tout ça n’est qu’illusion! Homme ou femme, peu importe le chef élu, il y a peu de chance qu’il réalise ses promesses électorales. Comme l’expliquait le sociologue français Jacques Ellul, le pouvoir politique est la plupart du temps impuissant. Les politiciens ont beau être sincères et déterminés, ils ne maîtrisent guère la machine de l’État ni les impératifs économiques qui conditionnent leur prise de décision. Après les réjouissances des vainqueurs, où l’on portera aux nues les vertus de l’exercice démocratique, il faut s’attendre à la traditionnelle déclaration venant briser tous les espoirs : « Nous n’étions pas au courant du piètre état de nos finances publiques ». Je ne voudrais pas faire mon rabat-joie, mais, pour reprendre la formule d’Ellul, rien d’important ne se passera le mardi 4 septembre 2012!

jeudi 23 août 2012

Quel chef s'est démarqué dans les débats?


La Presse.ca, La Presse Débats, mercredi 22 août 2012
D’après vous, les quatre débats des chefs auront-ils un impact sur le résultat des élections le 4 septembre ? Quel chef s’est le plus démarqué ? Lequel a le plus perdu de plumes ?
Une foire d’empoigne
Ces débats me font penser aux sports de combat arrangés. À l’instar de la lutte professionnelle, les belligérants rivalisent de trucs spectaculaires et d’arguments futiles pour terrasser ou déstabiliser leur adversaire. Une fois le combat terminé, comme à la boxe, on est toujours surpris du verdict des juges. Tout comme on est surpris de l’appréciation de ces analystes politiques, soi-disant neutres, qui réussissent à décréter un vainqueur en décelant des points marquants qui ont échappé au commun des téléspectateurs. Parmi les plus perspicaces, on retiendra celui qui a déclaré vainqueur le chef absent du débat : Legault aurait gagné le débat Charest/Marois. N’importe quoi! Qu’a-t-on appris de ces quatre soirées de débat? Que nos politiciens ont la solution à tous nos problèmes en débat préélectoral, mais se voient affligés d’amnésie ou d’incapacité chronique une fois au pouvoir. Les débats sont censés vous faire changer d’opinion ou permettre aux indécis de s’en forger une. En réalité, ces débats n’auront guère d’impact sur le résultat des élections. Chacun aura vraisemblablement conforté sa clientèle respective sans réussir à raccrocher l’électeur désabusé des promesses électoralistes. Une foire d’empoigne qui aura bien servi nos grands réseaux de télévision et, parce que je suis un analyste perspicace, Costco!

vendredi 17 août 2012

Voter n'est pas un devoir!


La Presse, Débats, vendredi le 17 août 2012, p.A15  (Disponible sur La Presse.ca)
Alors que le « promessomètre » électoral québécois atteint des niveaux ridicules, les chantres de la démocratie investissent les médias pour nous rappeler qu’il est de notre devoir d’aller voter. Devrait-on les écouter? À vous de décider!
Vous avez le sentiment que les politiciens vous racontent n’importe quoi. Aucun parti politique ne répond à vos aspirations. À vos yeux, qu’un parti prenne le pouvoir plutôt qu’un autre ne change rien. Dans ce cas, il n’y a pas de mal à rester chez vous et à vous abstenir. (Ô sacrilège!)
Pourquoi donneriez-vous votre consentement à des propositions électoralistes du simple fait qu’on clame, haut et fort, que vous devez remplir votre devoir de citoyen? Voter n’est pas un devoir, c’est un droit!
Achèteriez-vous une maison qui vous rebute? L’achèteriez-vous sans la visiter ou sans vous informer des frais qui s’y rattachent? Sûrement pas! Pourquoi donneriez-vous votre aval à ce que des élus s’accaparent une part appréciable de vos revenus en échange de l’adoption de centaines de lois et de règlements dont vous ignorez la teneur et les conséquences; en échange de services publics dont vous jugez ne pas avoir besoin?
Soyons honnêtes, comme l’expliquent les économistes des choix publics, beaucoup d’électeurs font désormais la sourde oreille aux politiciens. Ce sont pour la plupart des citoyens avisés (des ignorants rationnels) qui ont décidé de ne plus investir de temps et d’argent à connaître les tenants et aboutissants des promesses des partis politiques. Estimant que leur vote a peu de chance d’influer sur le résultat des élections, ils ne voient pas d’intérêt à analyser de vagues et pompeuses promesses électorales dont les conséquences sont, avouons-le, pratiquement inextricables.
Malgré tout, on ne cesse de les harceler pour qu’ils aillent voter. Comme s’il suffisait de développer un slogan accusateur ou un message télévisé culpabilisateur pour ramener les électeurs dissidents dans l’isoloir.
Évidemment, l’insistance de la classe politique à amener le plus grand nombre de citoyens aux urnes n’est pas désintéressée. D’abord parce que chaque parti politique reçoit du Directeur général des élections une allocation annuelle basée sur les votes recueillis lors des dernières élections (0,85 $ par électeur en 2012). Ensuite, et surtout, parce que nos politiciens ont besoin du consentement du plus grand nombre pour se légitimer.
Même si l’absentéisme électoral n’empêche pas la prise du pouvoir, le silence d’une partie significative de l’électorat est un acte politique non négligeable. Le refus de l’électeur de cautionner les diverses propositions politiques qui lui sont offertes remet en question la légitimité des élus dans l’exercice de ce pouvoir. Par exemple, lorsque le citoyen refuse de voter à l’aveuglette, il devient plus difficile de justifier des politiques à caractère électoraliste ou partisan en affirmant qu’un fort pourcentage de l’électorat appuie la démarche.
Rassurez-vous, s’abstenir de voter n’est pas inutile. C’est aussi envoyer un message aux politiciens : celui qu’ils ont été incapables de répondre à vos aspirations. Au risque de déplaire aux hérauts de la participation électorale, lorsque les politiciens ne sont plus capables de donner aux électeurs une bonne raison d’aller voter, l’absentéisme a le mérite de servir de coup de semonce à une élite politique déconnectée de ceux qu’elle aspire à représenter. C’est aussi ça, la démocratie!