La Presse, Débats, samedi 8 février 2014, p. A27. Aussi disponible sur La Presse.ca et La Presse +.
Dans son bilan annuel sur la performance économique du
Québec, le Centre sur la productivité et la prospérité des HEC estime que le
gouvernement pourrait revoir la structure de sa fiscalité en haussant la TVQ et
en réduisant d’autant l’impôt sur le revenu. Les taxes à la consommation étant
plus efficaces, c’est à dire moins nocives pour notre économie que l’impôt sur
le revenu. Je suis d’accord, mais...
Il est vrai qu’une taxe générale comme la TVQ engendre moins
de distorsions dans l’économie qu’un méli-mélo d’impôts et de privilèges
ciblés. Le problème n’est pas là. Le hic, c’est que mes collègues des HEC semblent
postuler que le gouvernement ne prélève par le fisc que les sommes dont il a
besoin pour couvrir le coût des biens et des services publics. En conséquence,
ils présument qu’une meilleure tarification des services publics et une amélioration
de la fiscalité permettrait à l’État de rembourser notre énorme dette, voire de
nous retourner les excédents sous la forme de baisses d’impôt.
Malheureusement, tout n’est pas si simple pour les
économistes des choix publics. Dans leur ouvrage The Power to Tax, Geoffrey Brennan et James M. Buchanan (Nobel
1986) proposent une vision beaucoup plus pragmatique de la fiscalité. Ils
décrivent nos gouvernements comme des institutions qui cherchent à maximiser
leurs rentrées fiscales. Le but de l’État serait essentiellement de prélever
chez le contribuable le plus de revenus possible. Le gouvernement ajusterait
ses dépenses en conséquence, c’est-à-dire en fonction du maximum d’impôt qu’il
peut nous soutirer.
Dans cette perspective, la proposition de mes collègues des
HEC pourrait devenir une calamité pour le contribuable. En effet, des études empiriques ont montré que les taxes uniformes à
large assiette fiscale favorisent la croissance des gouvernements. Parce
qu’elle favorise l’apathie des contribuables et repousse leur seuil de
tolérance face à la taxation, elle permet à nos gouvernements de toujours mieux
se gaver à nos dépens.
La logique est simple : un contribuable n’offrira de
résistance à une hausse de taxes qu'à partir du moment où l’investissement en
temps ou en argent pour la combattre est inférieur au gain escompté. Or, aucun
d’entre nous n’a intérêt à consacrer du temps et des énergies à cabaler contre
des hausses de TVQ qui, chaque fois, nous apparaîtront minimes par rapport à
nos revenus. On préfèrera attendre que d’autres le fassent à notre place… ce
qui n’arrivera pas.
Aussi, la réforme proposée devrait s’accompagner d’une
obligation de mettre en place des contraintes au pouvoir de dépenser des
politiciens; des contraintes qui limitent le montant d’impôt que l’État peut
nous prélever. Dans cette veine, des économistes suggèrent d’introduire des règles
constitutionnelles ou statutaires pour limiter le pouvoir de taxer, de dépenser
et de faire des déficits.
Il faut cesser d’attendre la conscientisation de politiciens motivés par
leur seule réélection. Laissons les faire ce qu’ils savent faire le
mieux : faire des promesses électorales et octroyer des faveurs
politiques. Mais, soyons réalistes : obligeons-les à faire de la politique
à l’intérieur d’une enveloppe budgétaire fermée.
J’en conviens, réformer la fiscalité est une voie intéressante
pour mettre de l’ordre dans nos finances publiques. Toutefois, il faut garder à
l’esprit qu’en confiant un système de taxation plus efficace et sans contraintes
à des politiciens, c’est aussi courir le risque de se faire plumer.