Journal de Québec et de Montréal, samedi le 29 mars 2014, p.20.
Pierre Karl Péladeau doit-il se départir de ses actions dans
Québecor? Si le but poursuivi est uniquement de sauver les apparences, peut-être.
Concrètement cependant, il est fort peu probable que son arrivée en politique ne
modifie la stratégie d’affaire des divers médias du groupe de presse.
Malgré la déferlante de considérations morales qui a suivi le
saut en politique de M. Péladeau, le réalisme économique suggère que cette
apparence de conflit d’intérêts ne restera que cela… une apparence de
conflit d’intérêts
Pourquoi? Tout simplement parce qu’une entreprise de presse
ne peut abuser de la partisanerie politique sans en payer le prix.
Un empire commercial
Je n’ai pas la naïveté de croire qu’un empire de la taille
de Québecor n’exerce aucune influence sur l’opinion des votants québécois. Pas
plus que je ne crois que les chroniqueurs et journalistes du groupe (comme ceux
des autres médias) sont des modèles d’objectivité, et qu’aucun intérêt partisan
ne transpire de leur propos. Ce sont des humains!
Dans mon esprit, par contre, nos grands médias font d’abord
et avant tout des affaires. Ce sont des entreprises commerciales qui cherchent
à soutirer le maximum de profit du segment de marché qu’ils exploitent. C’est
ce qui leur permet de vivre et de prospérer dans une industrie fortement concurrentielle.
La dictature des
annonceurs
De nos jours, les médias tirent la majeure partie de leurs
revenus de la publicité. Or, la valeur des espaces publicitaires s’accroit avec
la masse et la variété du public qu’ils rejoignent.
La dure réalité économique d’un média, c’est qu’il doit
constamment chercher à élargir, ou à tout le moins à maintenir, l’éventail de sa
clientèle.
Pourquoi mettrait-on en cause le fragile équilibre d’une
recette d’affaire qui a permis à Québecor de devenir l’une des plus importantes
entreprises de presse au Canada? Pourquoi prendrait-on le risque de s’aliéner
une partie de la clientèle et de faire fuir les annonceurs chez les
concurrents? Aucun actionnaire ou gestionnaire d’un groupe de presse
n’accepterait de courir un tel risque financier, y compris M. Péladeau.
Il est donc peu probable que l’entrée en politique de PKP
apporte un changement notable dans la diversité et l’équilibre des contenus
véhiculés par les médias du groupe Québecor. Il y a peu de raisons de croire que
le Journal deviendra subitement plus ou moins indépendantiste et pro-charte des
valeurs qu’il ne l’est déjà.
Les bienfaits de la concurrence
N’en déplaise à ceux
qui s'entêtent à nous protéger contre les apparences, les consommateurs
d’information et les annonceurs ne sont pas captifs du Journal ou de TVA. Ils
ont toujours à leur disposition la SRC, La Presse, Le Devoir et quelques
centaines d’autres quotidiens, stations de radio, postes de télévision et
médias électroniques pour s’informer ou pour publiciser leurs produits.
Cette concurrence entre médias s’avère d’ailleurs la
meilleure protection du public contre les dérives médiatiques. Elle fait sans
aucun doute davantage pour la liberté de presse et la probité de nos
politiciens, que toutes ces lois, codes de déontologie et commissaires à
l’éthique mis en place par nos gouvernements.
…
Potinage…
Plusieurs ont appris que la relation amoureuse entre Pierre
Karl Péladeau et Julie Snyder avait pris fin récemment. Malgré tout, le Groupe
TVA était fier d’annoncer que sa relation d’affaires avec l’ex-conjointe de M.
Péladeau serait reconduite. Voilà une nouvelle rassurante… pour ceux qui
sous-estiment les forces du marché.