La Presse.ca, La Presse Débats, 11 septembre
2013.
Le ministre Bernard Drainville vous a-t-il
convaincu que l'adoption d'une charte des valeurs québécoises était
souhaitable? Quels éléments du projet approuvez-vous ou désapprouvez-vous?
OÙ S'EN VA-T-ON AVEC CETTE CHARTE ?
Le gouvernement a finalement annoncé les
lignes directrices de sa fameuse charte. Sans surprise, l'adoption de balises
pour régler les demandes d'accommodements raisonnables réconcilie la plupart
des analystes. Par contre, l'interdiction du port de signes religieux
ostentatoires pour le personnel de l'État continue de diviser le Québec. Sur ce
dernier aspect, un élément de la proposition Drainville me laisse
particulièrement songeur. La charte des valeurs sera assortie d'un droit de
retrait pour les universités, les hôpitaux, etc. Même s'il s'agit d'une mesure
transitoire, on peut anticiper que plusieurs institutions utiliseront ce droit
de retrait pour se différencier de la concurrence: histoire d'attirer une
nouvelle clientèle ou de recruter de nouveaux employés réticents à se
dépourvoir de leurs signes religieux. En conséquence, les citoyens choisiront
de fréquenter les institutions qui satisfont le mieux leurs préférences. Il
faut donc s'attendre à ce que cette clause favorise l'émergence d'une mosaïque
d'organisations où les citoyens seront à même de choisir celle qui leur
convient... pour un temps du moins. Le paradoxe, c'est que si d'un côté, cette
charte permet de satisfaire les préférences variées des citoyens, elle
favorisera une certaine ghettoïsation des nouveaux arrivants. Ce qui va à
l'encontre des visées du gouvernement. Voilà qui me laisse croire qu'on ne sait
pas très bien où on s'en va avec cette charte.