Le Devoir, le 4 septembre 2015, p. A9. (disponible en ligne)
Nos enfants feront-ils les frais des moyens de pression de
leurs professeurs? C’est ce que soupçonnent nombre de parents dont les enfants
sont laissés pour compte chaque fois que les enseignants descendent dans la
rue. Et ils n’ont pas tort!
Nos syndicats de professeurs nous avaient promis un automne
chaud et ils tiennent leur promesse. Les enseignants de la Fédération autonome
de l'enseignement (FAE) envisageraient même de déclencher un arrêt de travail de
trois jours. Une grève pour le bien de nos enfants, semble-t-il. Vraiment?
Je ne voudrais pas jouer au « parent-roi », mais deux
articles scientifiques
montrent que les élèves sont souvent les premières victimes des moyens de
pression de leurs professeurs.
Grèves et réussite
scolaire
Les économistes Michael Baker de l’Université de Toronto et
David R. Johnson de l’Université Wilfrid-Laurier ont étudié les conflits de
travail dans les écoles primaires de l'Ontario du milieu des années 1990 au début
des années 2000.
Ils ont comparé le rendement scolaire de
cohortes d’élèves ayant subi ou non des arrêts de travail. Les résultats
de leurs travaux sont sans équivoque : les grèves d’enseignants nuisent à
la réussite scolaire des élèves.
Michael Baker (2013)
a observé que ce sont surtout les étudiants de 5e et de 6e
année qui subissaient les contrecoups. Les élèves qui vivent un arrêt de
travail seraient plus susceptibles que les autres d’échouer à leur évaluation
de mathématiques. Leurs compétences en lecture seraient également moindres que celles
des élèves qui n’ont pas vécu de grève. En somme, Baker montre qu’il existe une
relation étroite et négative entre les grèves des enseignants et la performance
scolaire.
David Johnson (2011),
qui a étudié les mêmes grèves ontariennes et observé des effets similaires sur
les résultats scolaires des élèves, note que ce sont les enfants défavorisés qui
sont les plus touchés par les conflits de travail. Il a aussi observé que plus les conflits de
travail s’étiraient, plus les dommages infligés à nos jeunes étaient
perceptibles.
Reprendre chaque jour perdu
À l’aube d’une nouvelle période de perturbations scolaires,
il semble opportun de rappeler à nos syndicats d’enseignants que le recours à
la grève dans le domaine de l’éducation n’a rien d’anodin. Aussi légal que soit
le geste, mettre des jeunes à la rue risque d’entraver leur capacité
d’apprentissage et, peut-être même, de les handicaper pour la vie.
En somme, si nos enseignants étaient vraiment soucieux de la
réussite scolaire de nos jeunes, ils annonceraient dès maintenant que chaque
journée perdue à cause de la grève sera reprise intégralement pendant le
calendrier scolaire ou lors de la période estivale.
Ce faisant, les passionnés de justice sociale y verraient
une volonté de réparer les dommages infligés aux jeunes otages, et les parents y
décèleraient une preuve tangible que nos professeurs ont vraiment à cœur
l’avenir de leurs élèves.
Michael Baker, Industrial Actions in Schools: Strikes and
Student Achievement, Canadian Journal of Economics 46 (3) (2013),
1014–1036.
David R. Johnson, Do Strikes and Work-to-Rule Campaigns Change
Elementary School Assessment Results? Canadian Public Policy, 2011, vol.
37, issue 4, pages 479-494