Le Journal de Québec et de Montréal, samedi le 23 août 2014, p. 16 (JQ).
Aujourd’hui,
bien que le réalisme économique commande une révision fondamentale des régimes
de retraite des employés municipaux, il n’autorise pas le gouvernement à faire
n’importe quoi.
Aussi
indécents puissent-ils paraître, les privilèges dont bénéficient ces employés du
secteur public municipal ne sont pas tombés du ciel. Elles sont le produit des
règles de négociation imposées jadis par nos gouvernements.
Or, si le
projet de loi 3 poursuit un objectif louable, force est de constater qu’il
s’agit d’une épine au pied de l’État de droit.
Nous vivons dans une société où les autorités politiques,
plus que quiconque, doivent donner l’exemple et respecter leurs engagements.
Pourquoi? Simplement parce qu’il ne serait plus possible d’acheter ou de vendre
quoi que ce soit si personne ne respectait les contrats.
Imaginez que
vos finances personnelles soient dans une situation déplorable : vous avez
dépensé sans compter (comme l’État), vous refusez de vous serrer la ceinture
(comme l’État) et vous vous présentez chez vos créanciers pour les aviser que,
dorénavant, vous n’allez payer que la moitié de vos dettes.
Normalement,
ces derniers s’en remettront aux tribunaux pour vous forcer à acquitter votre dû.
À défaut de quoi, ils n’auraient d’autre choix que de faire appel à des
« gros bras ». Ce serait un retour à la loi du plus fort.
Quand les
autorités politiques du Québec décident de ne plus respecter leur signature au
bas d’un contrat et de revoir de manière rétrospective leur contribution aux
régimes de retraite des employés municipaux, elles posent un geste inacceptable
pour une société où le respect des contrats est fondamental au fonctionnement
de notre économie.
Ironiquement,
c’est d’ailleurs en insistant pour que le gouvernement terre-neuvien respecte
ses engagements – malgré le fait que ce dernier y voyait une grave injustice
- qu’Hydro-Québec a défendu son avantageux
contrat d'achat d'électricité de la Churchill Falls.
En déposant
un projet de loi qui modifie de manière unilatérale et rétroactive les régimes
de retraite, nos autorités politiques font, sans s’en rendre compte, la
promotion du chaos.
Dans une
société où les autorités politiques se permettraient de reformuler à leur guise
leurs engagements passés, plus personne ne connaîtrait les règles du jeu en
société. Le contribuable ne pourrait plus se fier à la loi de l’impôt, les investisseurs
quitteraient la province et les citoyens vivraient sous un stress permanent.
Plus
personne ne saurait ce qui est juste ou non, tout simplement parce que ce qui
est permis et profitable aujourd’hui pourrait être punissable et dommageable demain.
Aujourd’hui,
ce sont les régimes de retraite qui sont visés par nos politiciens. Qui sait si
demain, ils ne passeront pas une loi sur l’impôt qui, au nom de l’intérêt
public, ponctionnera rétroactivement votre épargne privée et votre richesse
accumulée?
Ne vous
méprenez pas, comme une majorité de Québécois, je suis pour une refonte majeure
des régimes de retraite. Mais je suis contre ces lois rétrospectives qui
fragilisent le fonctionnement de notre société, et ce, pour permettre à des
politiciens de réparer leurs erreurs passées.