mercredi 23 octobre 2013

Un compromis sur la Charte?


La Presse, Débats, jeudi le 24 octobre 2013, p. A25. Disponible sur La Presse.ca et La Presse+.
À l'Assemblée nationale, les partis d'opposition proposent au gouvernement Marois de négocier avec eux une position de compromis sur la charte des valeurs québécoises. Êtes-vous favorable à une telle avenue? En quoi devrait consister le compromis?
Un compromis impossible
Dans le cadre du débat sur la charte des valeurs, deux éléments font obstacle à la recherche d'un compromis. Pour qu'il y ait compromis, il faudrait d'abord que le parti au pouvoir veuille négocier. Or, jusqu'ici, le débat sur la charte des valeurs semble très bien servir le Parti Québécois. Comme en font foi les sondages, la politique de la division (wedge politics) pourrait lui apporter à court terme le mandat majoritaire souhaité. D'où, on le comprendra, le peu d'empressement du gouvernement Marois à vouloir enterrer le débat sur la charte des valeurs en négociant avec la Coalition avenir Québec ou le Parti libéral. 
Un deuxième élément non négligeable, c'est que dans une société libre et démocratique, la marge de négociation des politiciens est balisée par la Constitution. Les politiciens peuvent bien négocier entre eux ce qu'ils veulent, ils doivent le faire en respectant les Chartes québécoises et canadiennes des droits et libertés. Or, selon plusieurs spécialistes, aucune des propositions sur la table ne semble pouvoir satisfaire cette condition: les droits fondamentaux des citoyens ne se négocient pas. 
Cela dit, au stade où nous en sommes, le Québec s'est déjà beaucoup trop compromis pour en arriver à une entente satisfaisant l'ensemble des Québécois.

jeudi 17 octobre 2013

Le fédéral devrait-il contester la Charte?


La Presse, Débats, vendredi 18 octobre 2013, p.A20. Aussi disponible sur La Presse.ca et sur La Presse+.

Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait lui-même contester la Charte des valeurs québécoises devant les tribunaux s’il estime qu’elle est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés ?
Rassurant
Il n’y a rien d’anormal à ce qu’un gouvernement fasse respecter la loi suprême du pays qu’il gouverne. Évidemment, en prenant l’initiative de cette contestation, le gouvernement Harper ouvre la porte aux traditionnelles récriminations des nationalistes québécois qui y verront un énième blocage du gouvernement canadien contre la volonté souveraine du Québec. Il s’attirera également les foudres de ceux qui ont une foi inébranlable dans l’État; de ceux pour qui la charte mène à un gouvernement des juges et limite le pouvoir des politiciens; de ceux pour qui un gouvernement élu peut faire la loi sans avoir à s’y soumettre. Mais, dans un Québec multipartiste, où une majorité de sièges peut être constituée avec moins de 40 % des votes exprimés, il est heureux d’avoir une charte des droits et libertés qui protège chaque citoyen contre les dérives de notre système politique. D’autant plus que je ne vois aucun mal à ce que des politiciens fédéraux prennent des mesures pour nous protéger des politiciens provinciaux. Même si tout le monde aura compris qu’en s’opposant au projet de charte québécoise, les conservateurs ont plus de votes à gagner dans le reste du Canada qu’ils en ont à perdre au Québec.

mardi 15 octobre 2013

Élections municipales: quoi surveiller?


La Presse.ca, La Presse Débats et La Presse+, lundi 15 et mardi 16 octobre 2013.
À moins de trois semaines des élections municipales, suivez-vous avez intérêt la campagne électorale dans votre municipalité ? Quels enjeux vous interpellent davantage ?
Peu de mobilisation
En 2009, la participation électorale aux élections municipales ne fut que de 45 % à l’échelle du Québec. Faut-il s’attendre à une mobilisation de l’électorat pour 2013? On peut en douter.

Les élections municipales 2013 ne soulèvent aucun enjeu particulier par rapport aux précédentes. La plupart des campagnes à la mairie se déploient sur fond de promesses politiciennes. On ne compte plus les candidats qui se présentent avec l’idée du siècle pour votre famille, votre transport, vos sports et loisirs. Des politiciens et politiciennes qui prétendent savoir mieux que quiconque ce qui est bon pour vous.

Mais voilà, de moins en moins d’électeurs sont enclins à croire cette élite dirigeante qui aspire à gérer notre vie en nous soutirant une part toujours plus grande de nos revenus. Il y a un proverbe anglais qui dit qu’« une ville riche est comme un fromage gras, elle nourrit bien des vers ». Le problème, c’est que le fromage des villes québécoises est de plus en plus léger et les citoyens de plus en plus réticents à l’engraisser.

mardi 8 octobre 2013

Politique économique du Québec: la révélation


La Presse, Débats, mercredi 9 octobre 2013, p. A31. Disponible sur La Presse.ca et La Presse+.

Que pensez-vous de la nouvelle politique économique du gouvernement Marois qui prévoit des mesures qui coûteront 2 milliards de dollars pour la création de 43 000 emplois d’ici 2017 ?
 
La révélation
Je ne voudrais pas faire mon rabat-joie, mais s’il suffisait d’essaimer les subventions pour relancer la croissance économique, on le saurait depuis longtemps. Cela fait des dizaines d’années que les gouvernements québécois annoncent des programmes de stimulation économique censés nous rendre riches et prospères. Et puis? Rien! Notre économie traîne toujours de la patte par rapport au reste du Canada et des États-Unis. Aujourd’hui, bien que nous soyons les plus taxés en Amérique du Nord, nous peinons à atteindre l’équilibre budgétaire et nous croulons sous une dette de plus de 250 milliards de dollars.

Qu’importe, notre ministre des Finances, Nicolas Marceau, l’a clairement expliqué à la télévision : « le problème qui se pose, c'est celui des revenus. Ce n'est pas celui des dépenses ». Alors, dépensons! Annonçons des dépenses publiques de 2 milliards de dollars. Étayons notre politique économique d’un lot de promesses floues, mais attrayantes. Oui, voilà le grand secret qui nous a été révélé hier : le Québec est pauvre parce qu’il ne dépense pas.

Hum… il faut que j’en parle à mon ignare de banquier pour qu’il augmente ma marge de crédit.

vendredi 4 octobre 2013

Charte des valeurs: subventionner les préjugés


La Presse, Débats, vendredi le 4 septembre 2013, p. A18. Disponible sur La Presse.ca et sur La Presse+.

Dans un sondage commandé par La Presse, une majorité de Québécois admettait faire de la discrimination envers ceux qui sont différents d’eux. C’est dans la nature humaine direz-vous. Certes, mais cette discrimination a un coût.
Le coût des préjugés
Vous êtes furieux : votre restaurant préféré vient d’embaucher une serveuse portant le voile. C’est décidé, vous n’y remettrez plus les pieds… quitte à payer plus cher pour manger québécois. C’est votre droit!
Sur le marché libre, chacun de nous peut assouvir ses préjugés. Les entrepreneurs sont libres d’offrir et les consommateurs sont libres d’acheter. Si le produit offert ne vous satisfait pas, vous pouvez voter par les jambes. Tant que vous serez disposé à payer, il y aura toujours un entrepreneur pour satisfaire vos préférences. 
Être libre, c’est assumer le coût de ses préjugés. Par exemple, la liberté de ne pas aimer les pratiques culturelles ou religieuses des immigrants n’est pas gratuite. Les individus et les entrepreneurs qui abusent de la discrimination envers les nouveaux arrivants prennent le risque de se priver d’amitiés, d’une clientèle supplémentaire ou d'une main-d'œuvre qualifiée. C’est pourquoi sur un marché libre, même si chacun de nous a la liberté de discriminer à sa guise, les abus discriminatoires sont peu fréquents.
Parce que discriminer est coûteux, tant pour les individus que pour les entreprises, la plupart des demandes d’accommodements se résolvent d’elles-mêmes. Parce que discriminer n’est pas gratuit, la majorité s’ajustera aux différences des autres plutôt que d’assumer le coût de ses préjugés.
Subventionner les préjugés
Malheureusement, les choses se gâtent quand, pour des raisons électoralistes, les politiciens cherchent à imposer des règles et des interdits sociaux qui permettent à certains groupes d’individus de transférer le coût de leurs préjugés aux autres.
Brader les libertés religieuses des immigrants pour subventionner les préjugés d’un électorat n’est sûrement pas socialement désirable. Comme on a pu le voir à la suite du dépôt de sa charte des valeurs, en privilégiant une frange de l’électorat au détriment d’une autre, le gouvernement du Québec n’a réussi qu’à attiser les rivalités entre citoyens qui, jusqu’ici, s’arrangeaient très bien entre eux.
Il est d’ailleurs paradoxal qu’un État soi-disant progressiste s’arroge le droit de dicter sa morale identitaire à ceux-là mêmes qui sont chargés de livrer des services qui ont été étatisés sous le prétexte d’une égalité pour tous.
Contrairement au marché concurrentiel, qui discrimine pour satisfaire les préférences de tous un chacun, les monopoles publics ne peuvent discriminer sans faire des gagnants et des perdants. Or, si l’État tenait vraiment à s’ajuster aux préférences de tous les citoyens du Québec, il n’aurait qu’à privatiser les services qu’il a jadis monopolisés au nom du bien public. Une multitude d’entrepreneurs en concurrence sauront accommoder le plus grand nombre, et ce, sans que les minorités aient à supporter le coût des préjugés de la majorité.
Le rôle de notre gouvernement n'est pas d'attiser les rivalités ou d'instaurer une course aux privilèges. Aussi, la seule voie acceptable qui lui reste pour minimiser les tensions sociales engendrées par le dépôt de sa charte, c’est de renoncer à nationaliser les sentiments et à subventionner les préjugés. Sinon, on risque le conflit social permanent!