La fameuse
charte visant à baliser nos libertés religieuses soulève des rivalités. Rien de
surprenant ! Chaque fois que l’État s’investit dans un domaine d’activité,
la chasse à la rente politique s’active. Cette fois cependant, les conséquences
pourraient s’avérer dangereuses pour le Québec.
Dans leur ouvrage
The Price of Freedom Denied : Religious Persecution and Conflict in
the Twenty-First Century (2011), Brian J. Grim et Roger Finke expliquent que l’intensification
des contrôles exercés par l’État sur les libertés religieuses met en péril la
paix sociale. Contrairement à la croyance populaire, les réglementations étatiques
n’apaisent pas les conflits entre groupes religieux ; elles les attisent.
En s’appuyant
sur une base de données regroupant de l’information sur près 200 pays, et sur l’étude
exhaustive de six d’entre eux, les auteurs montrent que l’imposition par l’État
de contraintes à la liberté religieuse augmente le nombre de conflits et les
cas de minorités religieuses victimes de persécution.
Selon ces
chercheurs, c’est la liberté qui favoriserait la paix sociale en matière de
religion. Pourquoi ? Parce que la liberté de toutes les religions signifie
le pouvoir d’aucunes. Lorsque l’État reconnaît cette liberté, il perd l’autorité
de discriminer entre les citoyens aux préférences religieuses différentes. Même
les défauts de notre système démocratique se résorbent devant la liberté : une
majorité religieuse ne peut tyranniser les religions minoritaires.
Notre liberté
de religion est un droit reconnu par les chartes canadienne et québécoise des droits
et libertés. Or, selon le PQ, cette liberté menacerait le Québec. De quoi ?
Difficile à dire ! Mais on veut nous convaincre qu’il est urgent d’intervenir
pour baliser les demandes d’accommodement religieux.
C’est ainsi que
sous prétexte de régler un problème qui, selon la commission Bouchard-Taylor, n’a
rien de critique pour la société et n’entrave aucunement le fonctionnement
normal de nos institutions, le gouvernement entend préciser dans une charte les
pratiques religieuses interdites.
Évidemment,
dans un Québec où la religion n’exerce plus d’influence sur le pouvoir
politique depuis longtemps, tout le monde aura compris les véritables préoccupations
de nos politiciens : ce sont certaines minorités religieuses qui
agacent.
Alors, réglementons !
Organisons au préalable un débat social où les religions minoritaires seront
une cible facile pour les groupes politiquement puissants. Une proie pour les
chasseurs de burqa, de hijab et de turban qui sauront y associer une érosion de
l’identitaire québécois pour obtenir les faveurs d’un législateur prétextant se
plier aux désirs du peuple. C’est connu, les tyrans de la majorité font
toujours consensus… entre eux.
Jusqu’où iront
les interdits religieux imposés par cette charte ? On parle, pour l’instant,
de prohiber le port de symboles religieux dans les institutions publiques.
Mais, il faudra attendre son dépôt pour en savoir plus. Déjà, les catholiques
se sont vus garantir certains privilèges : le crucifix de l’Assemblée
nationale et certains autres de leurs symboles religieux seraient épargnés. À
moins, bien sûr, que ce ne soit qu’une façon détournée de décréter qu’ils
seront désormais plus égaux que d’autres en matière de liberté religieuse.
En faisant
primer l’idéal collectif de certains groupes d’intérêt sur les droits
fondamentaux des citoyens, cette charte risque de regrouper une panoplie de
droits et de privilèges arbitraires. La recette parfaite pour attiser les
rivalités et pour promouvoir l’adhésion du Québec au club des nations dont les
minorités se plaignent de persécution. Bref, une mine inépuisable de conflits
sociaux en gestation.