mardi 26 novembre 2013

La Charte nuira à l'économie


La Presse, Débats, mardi le 26 novembre 2013, p. A17. Disponible en ligne sur La Presse.ca et sur La Presse+.
On en parle peu, mais l'assujettissement des entreprises privées à la Charte des valeurs québécoises pourrait avoir des conséquences malheureuses sur leur compétitivité.
Le projet de loi 60 stipule que lorsque les circonstances le justifient, un organisme public peut exiger de toute personne ou société avec laquelle il conclut un contrat - ou une entente de subvention - de respecter les obligations prévues à la charte. L'interdiction du port d'un signe religieux ostentatoire pourrait donc s'étendre à toute entreprise en relation avec un organisme public.
Il faut bien l'admettre, dans une province où l'État occupe plus de 45% de l'économie, les entreprises qui ne bénéficient d'aucune subvention ou qui ne font aucunement affaire avec un organisme public sont une denrée rare. Aussi, cette disposition de la loi risque d'inciter plusieurs entreprises québécoises à revoir leur politique d'embauche.
Si vous êtes un chef d'entreprise qui espère obtenir une subvention ou un contrat du gouvernement, vous le savez par expérience, l'État est pointilleux. L'inspecteur de l'Office québécois de la langue française vous a déjà sommé de franciser le bouton «On/Off» de votre micro-ondes. Vous avez obtempéré, craignant de voir annuler le certificat de francisation vous permettant de faire affaire avec le gouvernement. Dans la foulée de la Charte, prendrez-vous le risque d'embaucher un employé portant une kippa ou un hijab? Probablement que non.
On peut anticiper que plusieurs entreprises québécoises s'abstiendront désormais d'embaucher des employés revendiquant le droit d'afficher leurs croyances religieuses, préférant ainsi se priver, sans égard à leur compétence, d'employés qui pourraient éventuellement l'empêcher de faire affaire avec l'État.
Évidemment, si un gouvernement peut se permettre de discriminer ses employés, il en va tout autrement d'une entreprise privée en situation concurrentielle. Contrairement à l'État, l'entreprise ne peut dissiper le coût de sa discrimination dans sa rente de monopoleur. L'entreprise devra, tôt ou tard, en payer le prix.
Le ministre Drainville se berce d'illusions lorsqu'il prétend que tous les porteurs de signes religieux ostentatoires se plieront de bonne grâce à ses interdictions. Plusieurs accordent une valeur considérable au port de leur couvre-chef, et on peut présumer qu'ils seront nombreux à vouloir changer d'emploi.
Évidemment, le coût de changer d'emploi est moindre chez les employés efficaces et compétents que chez les incompétents. Il y aura toujours des preneurs sur le marché pour les premiers. Ce sont surtout eux qui réussiront à échapper au diktat de l'État.
Dans un monde concurrentiel, où la compétence veut encore dire quelque chose, les employés ne sont pas interchangeables. C'est pourquoi en se privant d'employés efficaces et compétents, plusieurs entreprises mineront leur compétitivité face aux entreprises non assujetties aux contraintes de la charte.
Quelques rares entreprises locales, et beaucoup trop d'entreprises hors Québec, tireront profit de la situation pour embaucher des ressources compétentes laissées pour compte par des entreprises incapables de se sevrer des mamelles de l'État québécois.
Bref, il est paradoxal de voir un gouvernement multiplier les politiques et les mesures visant à lutter contre la discrimination de toute sorte et, de l'autre main, forcer ses entreprises à discriminer leurs employés sur une base religieuse.
Dites-vous bien que la recherche d'employés efficaces et performants par les entreprises a probablement fait davantage pour la lutte à la discrimination que toutes les politiques gouvernementales réunies.

lundi 4 novembre 2013

Les priorités de Denis Coderre


La Presse, Débats, lundi 4 novembre 2013, p.A21. Disponible sur La Presse.ca et La Presse+.
Quelles devraient être les priorités du nouveau maire de Montréal?
Éviter le désastre
Dans l'ivresse de la course à la mairie, on promet l'impossible. Le lendemain de l'assermentation, on dégrise. Maintenant que le cirque électoral est terminé, il faut revenir sur terre et gérer Montréal. Une ville qui, avouons-le, affiche une triste mine. Une métropole affaiblie par les scandales de corruption. Une ville administrée par des employés surpayés et où le coût des régimes de retraite accapare 12% du budget de fonctionnement. Une ville aux infrastructures vétustes où des chantiers de reconstruction majeurs (Champlain et Turcot) perturberont les allées et venues pendant encore une décennie. Une ville aux prises avec un exode de ses citoyens et de ses entreprises vers les banlieues.
Que fera Denis Coderre pour mettre fin au déclin de Montréal? On n'en sait trop rien. Les campagnes électorales sont surtout l'occasion de cultiver l'ambiguïté. Une période où les divers candidats rivalisent de promesses accrocheuses sans trop expliquer comment ils vont les mettre en œuvre. On nous a promis que Montréal reprendrait sa place de grande métropole; une métropole culturelle à la fois intègre, mobile, intelligente et numérique. Soit. Mais disons que la priorité du nouveau maire devrait être de faire l'impossible pour éviter à Montréal le désastre vécu par plusieurs grandes villes américaines.