Rien ne va plus entre Donald Trump et les
médias. Un jour, le nouveau président fait comme si la presse n’existait pas et
s’adresse directement aux Américains par Twitter. Le lendemain, il rabroue un
journaliste pour une question ou un commentaire qui ne ne lui convient pas.
Ce bras de fer entre la presse et le chef du
plus puissant pays du monde est loin d’être futile. C’est une manifestation
tangible du déclin de ce que l’on désigne souvent comme le 4e pouvoir.
Les grands médias que l’on jugeait jadis
capables d’élire ou de défaire un gouvernement, auront échoué à influencer
suffisamment l’électorat pour empêcher Donald Trump d’emménager à la Maison Blanche.
Mais que s’est-il passé pour que
l’électeur fasse la sourde oreille à leur appel?
La cascade informationnelle
Pour l’école des choix publics, l’électeur
est un ignorant rationnel. Comme son vote n'a pratiquement aucune influence sur
le résultat électoral, il a tendance à demeurer rationnellement apathique. Il
prête peu d'attention aux campagnes électorales et ne cherche pas à s'informer
sur la chose publique.
Cette carence de notre système démocratique a
longtemps permis aux grands médias d’influencer les résultats électoraux.
Comment? En lançant des cascades informationnelles.
La recette est simple. Parce qu’il est
coûteux de faire ses propres recherches, les citoyens s’en remettent la plupart
du temps aux médias. La seule diffusion d’une information à la télé ou dans les
journaux s’accompagne d’un gage de vérité. Contredire et même argumenter cette
information devient une opération risquée. Aussi, plutôt que d’y laisser sa
crédibilité, l’électeur préférera suivre le courant dominant et faire comme les
autres. C’est l’effet moutonnier.
Imaginons le cas fictif de cet électeur
américain qui doit choisir son président. Supposons qu’il a, au départ, une
légère préférence pour Trump dont le discours le rejoint davantage que celui de
Clinton. Comme il n’a guère de temps à consacrer à l’analyse des propositions
de chacun des candidats, il n’est pas convaincu de faire le bon choix.
C’est cet électeur qui est dans la mire des
médias : c’est cet ignorant rationnel qui est susceptible de changer son
fusil d’épaule et de voter dans le sens souhaité par le 4e pouvoir. Il
suffisait, croyait-on, de l’exposer pendant des mois à l’avis d’analystes et de
spécialistes, tous soi-disant mieux informés et avisés que lui, et dont les
propos favorisaient quasi-unanimement Hillary Clinton.
Des médias en perte d’influence
Pourquoi les électeurs n’ont-ils pas succombé
à la cabale anti-Trump menée par la grande presse américaine?
On peut penser que la multiplication des
médias sociaux permet maintenant aux électeurs de trouver à faible coût une
information qui renforce leur préférence de départ.
Une autre possibilité, c’est que les
électeurs ont le sentiment d’avoir été bernés dans le passé et doutent
maintenant de la qualité de l’information transmise par les grands médias.
Qu’importe, ces deux hypothèses convergent
vers une perte d’efficacité des cascades informationnelles et, par conséquent,
le déclin du 4e pouvoir.
Il s’agit évidemment d’une bonne nouvelle
pour ceux qui considèrent que nos médias ne doivent pas avoir le pouvoir
d’influencer les résultats électoraux. C’est cependant une très mauvaise
nouvelle pour les autres qui voient les médias comme un contre-pouvoir
essentiel à l’État.
Quant à l’élite médiatique, c’est une leçon
d’humilité d’autant plus difficile à accepter qu’elle leur aura été servie par
un Donald Trump dont l’attitude et le comportement sont pour le moins…
discutables.