vendredi 27 avril 2012

Crise étudiante: que faire?


La Presse.ca, La Presse Débats, vendredi 27 avril 2012.

Que doit faire le gouvernement Charest pour dénouer l’impasse dans la crise étudiante ? Déposer une offre finale, nommer un médiateur, accepter un moratoire sur la hausse des droits de scolarité ?
Un tribunal des conflits sociaux 
La grève étudiante s’éternise. Pendant ce temps, la population québécoise subit les pénibles conséquences de ce conflit. Pourquoi ne pas s’inspirer de la méthode australienne de résolution des grèves? Il suffirait de confier à une juridiction indépendante l’arbitrage du conflit opposant les étudiants et le gouvernement. L’idée est que l’exercice du droit de grève n’est pas sans limites et que l’intérêt public doit aussi être pris en compte dans les conflits qui paralysent toute une population. Ainsi, ce tribunal des conflits sociaux, dont un des rôles serait de veiller à l’intérêt des citoyens et à la sauvegarde des biens publics, aurait le pouvoir de suspendre la grève pour une durée déterminée ou même d’y mettre fin. Il pourrait notamment exiger la médiation ou la conciliation; ordonner la réouverture immédiate des institutions d’enseignement et le retour en classe des étudiants; et accorder un délai (disons 30 jours) aux parties pour en venir à une entente. À défaut d’une entente, ce tribunal pourrait rendre une décision liant les parties pour une période déterminée (disons 3 ans). Cette manière de procéder enverrait le message aux étudiants que le droit de grève n’est pas absolu, et au gouvernement, qu’il n’est pas opportun d’utiliser les conflits sociaux à des fins électoralistes. Une façon comme une autre de forcer la négociation entre le gouvernement et les associations étudiantes, de mettre fin au saccage du centre-ville de Montréal, et de permettre aux étudiants de terminer leur session lourdement compromise.

mardi 24 avril 2012

Le Québec sera-t-il indépendant un jour?


La Presse, Débats, Montréal, mercredi le 25 avril 2012, p.A23.
La Presse.ca, La Presse Débats, mardi le 24 avril 2012.
Le Québec deviendra un jour un pays indépendant, affirme Michael Ignatieff. L'ancien chef libéral estime que le Québec et le Canada n’ont plus rien à se dire. Pensez-vous que sa prédiction va se réaliser?
PLUS DÉPENDANT QUE JAMAIS
À mes yeux, les prédictions d’un politicien ne valent guère mieux que ses promesses électorales. Il y a un mois, Justin Trudeau ne se reconnaissait plus dans le Canada. Cette semaine, c’est Michael Ignatieff qui prédit que le Québec vogue vers l’indépendance. Décidément, les libéraux s’ennuient des feux de la rampe! Cessons de nous raconter des histoires. Les conditions gagnantes pour réaliser l’indépendance du Québec ne cessent de reculer. M. Ignatieff oublie que les appuis à la souveraineté s’étiolent depuis le dernier référendum; que le Québec a une dette de 250 milliards $; que ses citoyens sont parmi les plus taxés en Amérique du Nord; et que 10 % de son budget provient de la péréquation canadienne. La réalité, c’est que le Québec est plus dépendant que jamais du Canada. Tellement dépendant, que les provinces de l’Ouest sont de moins en moins indifférentes à nous transférer des milliards de dollars pour qu’on puisse se payer des programmes sociaux qu’elles-mêmes n’ont pas les moyens de s’offrir. Dans son élan de logique prédictive à long terme, Michael Ignatieff aurait aussi pu considérer la possibilité que le Canada éclate avant que le Québec ne déclare son indépendance. Tant qu’à faire des prédictions!

jeudi 19 avril 2012

Devrait-on rapatrier Omar Khader?


La Presse.ca, La Presse Débats, jeudi 19 avril 2012
Emprisonné depuis 10 ans à Guantanamo pour des crimes de guerre qu'il a commis en Afghanistan à l'âge de 15 ans, Omar Khadr demande son rapatriement au Canada. Le gouvernement Harper devrait-il exaucer son vœu?
Prenons nos responsabilités
Aux yeux de la population américaine, Omar Khadr personnifie le terrorisme. Toutefois, généralement, les enfants-soldats sont considérés comme des victimes plutôt que comme des agresseurs. Son procès devant un tribunal militaire américain aura d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre. Aujourd’hui, certains considèrent que les aveux d’Omar Kadhr suffisent pour qu’on l’abandonne à son sort. Je voudrais bien que la chose soit aussi simple. D’abord, avait-il le choix de plaider coupable? Des aveux soutirés et négociés en marge d’un procès nébuleux n’ont rien de convaincant. Il ne faut pas oublier qu’Omar Khadr avait 15 ans à l'époque où il aurait tué un soldat américain en Afghanistan. Au Canada, à cet âge, vous ne pouvez pas conduire une voiture, ni acheter de la bière. En fait, tant que vous êtes d’âge mineur, vous êtes sous la tutelle de vos parents, auxquels vous devez respect et obéissance. Aussi, je ne pourrai jamais m’enlever de l’esprit que c’est sans doute parce qu’il a obéi à son père djihadiste que Kadhr a passé les dix dernières années derrière les barreaux. Jusqu’ici, plusieurs ONG internationales ont décrié le traitement subi par M. Khadr. Des comités de la Chambre des communes ont aussi recommandé son rapatriement. Le Canada doit cesser de se défiler et prendre ses responsabilités.

mardi 17 avril 2012

L'UPAC est-elle efficace?


La Presse.ca, La Presse Débats, mardi le 17 avril 2012.
Les arrestations, dont celle de l’entrepreneur en construction Tony Accurso, et les perquisitions effectuées ce matin vous redonnent-elles confiance en l'UPAC, l’Unité permanente anticorruption?
L'ÉTAT, FOYER PROPICE AUX ABUS
Tony Accurso fait l’objet de soupçons depuis belle lurette. L’émission « Enquête » a révélé en 2009 et en 2010 des accointances entre ses propriétés et les pouvoirs publics. Finalement, il s’est écoulé plus de deux ans avant que des accusations soient déposées contre lui. Évidemment, ce n’est pas parce que l’UPAC a procédé à l’arrestation d’une quinzaine de personnes qu’on en a fini avec la corruption. Désolé, mais Accurso et ses complices n’ont pas inventé la corruption! La corruption n’est pas un phénomène propre au Québec. Elle existe là où des politiciens et des bureaucrates peuvent abuser de leur fonction à des fins d'enrichissement personnel. On aura beau empiler les unités d’enquête, tant qu'on ne reconnaîtra pas que l'État s'avère un foyer propice aux abus, on ne pourra mettra un terme à ces pillages de fonds publics. L’indice de perception de la corruption (IPC) de l’organisme Transparency International  est d'ailleurs riche d'enseignement. Les pays les moins corrompus sont des pays prospères qui laissent une grande place à la concurrence et à l'économie de marché. À l'inverse, les pays les plus corrompus se caractérisent par leur pauvreté et par l’omniprésence de l’État.

jeudi 12 avril 2012

Automobile: le péril jeune


La Presse, Débats, vendredi le 13 avril 2012, p.A19
La Presse.ca, La Presse Débats, jeudi le 12 avril 2012.
Lundi prochain se tiendra la première du film Dérapages, de Paul Arcand, sur l'attitude des jeunes face à la conduite automobile, leur mépris du risque et les conséquences parfois dramatiques de leur témérité. À votre avis, comment peut-on diminuer le nombre de jeunes victimes des accidents de la route? Faut-il rendre les lois encore plus sévères? Augmenter l'âge donnant droit à un permis de conduire? Miser sur la sensibilisation?
Prison pour jeunes.
Pauvres jeunes! Ils n’ont même plus droit à l’inexpérience. On les tient responsables de tous les maux du monde. Comme s’ils étaient tous des criminels en puissance. C’est vrai que les statistiques montrent que les jeunes conducteurs sont surreprésentés dans les accidents de la route. Est-ce suffisant pour justifier qu’on discrimine toute une population en fonction de son âge? On en finit plus d’imposer des restrictions aux jeunes conducteurs: cours de conduite, permis d’apprenti, permis probatoire, tolérance zéro en matière d’alcool, limitation des points d’inaptitude. Certains aimeraient même leur imposer un couvre-feu. Pourrait-on laisser les jeunes apprendre à vivre? Jusqu’où irons-nous dans notre quête du risque zéro? Aurait-on oublié que nos jeunes ont aussi des aspirations et des désirs de mobilité? Serait-on devenu trop vieux collectivement pour tolérer les imperfections de la vie en société? Il faudra un jour cesser de croire que chaque accident de la route justifie une loi ou un règlement de l’État. On ne façonne pas un citoyen responsable par la coercition, mais par l’éducation. Dans cette perspective, le film de Paul Arcand apportera davantage à la conscientisation des risques de la route que toutes ces réglementations gouvernementales qui sont en voie de transformer le Québec en prison pour jeunes.

mardi 10 avril 2012

Comment protéger nos enfants contre la violence à la télé?


La Presse.ca, La Presse Débats, mardi 10 avril 2012
Une enquête menée par des chercheurs de l'hôpital Sainte-Justine auprès de 2120 enfants québécois révèle que les scènes de violence qu'ils ont vues à la télévision ont un impact néfaste sur leur humeur, leur comportement et leurs résultats scolaires. À votre avis, que faut-il faire pour protéger nos enfants contre ces effets néfastes? Faut-il interdire les scènes violentes à la télévision? La responsabilité de protéger les enfants revient-elle à l'État ou aux parents?
LE PERMIS DE PARENT
À en croire les spécialistes, nos enfants sont des monstres élevés par des parents incompétents. Après la malbouffe, le manque de sommeil, l'abus des jeux vidéo, voilà que ce sont les émissions de télévision qui seraient responsables de l'agressivité, des comportements antisociaux et du décrochage scolaire de nos enfants. Décidément, le jour n'est pas loin où le gouvernement devra exiger des couples qui veulent avoir des enfants un permis certifiant leurs compétences parentales. Eh oui, un permis de parent! Un permis octroyé par des fonctionnaires, sous l'autorité de politiciens, garantissant que chaque couple désireux d'enfanter a acquis les connaissances et dispose de l'expertise pour élever des enfants. Ainsi, nos jeunes seront responsables et vieux dès la naissance : les élèves indisciplinés serreront les rangs, les décrocheurs raccrocheront, les jeunes obèses maigriront, et la violence disparaîtra. Qui ne rêve pas d'une société de chiffes molles vivant sous la crainte et le contrôle de l'État? Et si jamais un esprit libre s'écartait du droit chemin? On pourra toujours accuser l'incompétence de l'État. Ce jour-là, la table de concertation de la sécurité des enfants se réunira pour proposer un resserrement des règles d'attribution du permis de parent. Pour notre bien à tous, évidemment!

mercredi 4 avril 2012

Que reste-t-il de Pâques?


La Presse.ca, La Presse Débats, mercredi 4 avril 2012
Pâques n’étant plus une fête religieuse pour la plupart des Québécois, y a-t-il encore lieu de la célébrer ? N’est-ce plus que l’occasion de profiter d’un week-end de congé comme tant d’autres ? 
Le plat de bonbons 
J’ai lu sur internet que Pâques est « une fête religieuse qui commémore le passage de la Mer Rouge pour la religion juive […] la résurrection de Jésus pour la religion chrétienne […] et une fête païenne qui annonce l'éveil du printemps. » Heureusement que je suis branché! Comme beaucoup de Québécois, j’ai été élevé dans la religion catholique. Néanmoins, dans mon esprit, Pâques est essentiellement une fête de famille où on oublie ses soucis quotidiens et son régime alimentaire, pour se gaver d’œufs et de lapins en chocolat. Je sais que plusieurs bonnes âmes dénoncent la surconsommation et le mercantilisme associé aux festivités pascales. Gardez quand même le cœur à la fête! On peut toujours se trouver une bonne raison pour festoyer. Par exemple, à l’occasion du long weekend de Pâques, nos politiciens et bureaucrates font relâche. Imaginez : quatre jours pendant lesquels ils ne dépenseront pas vos impôts pour votre bien! Dites-vous que Pâques est l’une des rares occasions où vous aurez l’impression d’être le seul à piger dans le plat de bonbons. Voilà une bonne raison pour se régaler!

lundi 2 avril 2012

Payer les cours d'anglais aux immigrants?


La Presse.ca, La Presse Débats, lundi le 2 avril 2012.

Les immigrants francophones ont du mal à se trouver un emploi à Montréal parce qu’ils ne parlent pas anglais. Le gouvernement Charest consacre des millions pour financer leurs cours l’anglais. Êtes-vous d’accord avec cette politique ?
Il y a trois jours, le gouvernement du Québec annonçait un renforcement de sa police de la langue. Aujourd’hui, on apprend que ce même gouvernement consacre des millions au financement de cours d’anglais pour les immigrants francophones. Bel effort de cohérence! Malgré tout, on ne peut que saluer cette initiative visant à favoriser l’intégration des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Bien que la loi 101 décrète que le français est la langue du travail au Québec, il y a une réalité économique à laquelle on ne peut échapper : l’apprentissage de la langue anglaise est un moyen pour l’immigrant (comme pour le Québécois de souche) d’améliorer ses chances de se trouver un emploi. Pas d'anglais, pas d'emploi! Avec la mondialisation de l’économie, il devient de plus en plus difficile pour un état souverain d’adopter des politiques linguistiques coercitives. Lorsque le Québec adopte des lois et des règlements pour contrer l’apprentissage et l’usage de l’anglais, ce sont ses propres citoyens qui en sont les premières victimes. On brime leurs libertés individuelles et on les tient captifs d’une langue qui les empêche d’échanger avec le reste du monde. Heureusement, on semble avoir saisi qu’on ne bâtit pas un pays fier et prospère en tenant ses citoyens et ses immigrants dans l’ignorance.