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samedi 15 février 2014

Un charte des contribuables : mon vote est à vendre


Le Journal de Québec et le Journal de Montréal, le 15 février 2014 et dans La Presse.ca, 17 février 2014.


Je l'avoue, je suis un peu désabusé de la politique. Mais je n'hésiterai jamais à voter pour un parti politique qui veut me protéger contre les excès de nos gouvernements. J'applaudis donc l'idée d'une Charte des contribuables proposée par la Coalition Avenir Québec.
Encore une promesse électorale? C'est ma crainte, mais j'ai pour principe qu'il ne faut jamais décourager un alcoolique qui est disposé à signer un contrat de sobriété. On doit seulement s'assurer qu'il ne puisse revenir sur sa signature.
Des économistes décrivent nos gouvernements comme des institutions qui maximisent leurs rentrées fiscales. J'en suis! Pour moi, les politiciens sont d'abord motivés par leur réélection et aucune dépense ne les rebute pour s'acheter des votes.
Donnez de l'argent à un politicien et il ne manquera pas de le dépenser, quitte à endetter les générations futures.
Il n'y a donc pas de mal à prendre au mot un parti politique disposé à sevrer la bête gouvernementale. Surtout lorsque le ministre des Finances d'un Québec surtaxé déclare (sans même sourire) ne pas avoir de problème de dépenses, mais un problème de revenus.
Mon vote est donc à vendre. En m'inspirant des propositions de mon collègue Jean-Luc Migué dans son ouvrage On n'a pas les gouvernements qu'on mérite, voici quelques éléments d'une Charte que je serais disposé à acheter.
Réduisons et fixons la taille de l'État. Dans un Québec où le budget du gouvernement accapare 47% de l'économie, la Charte devrait prévoir une réduction significative de la taille de l'État et fixer le niveau maximal de dépenses du gouvernement en fonction du PIB.
À ce sujet, une étude de Schuknecht et Tanzi (2005), pour le compte de la Banque centrale européenne, montre que plusieurs pays ont réussi à réduire leurs dépenses publiques (parfois de plus de 10%) sans contrecoup. Ces réductions à la taille de l'État n'ont pas affecté le bien-être des populations selon les grands indices macroéconomiques et de bien-être conventionnels. Au contraire, ces ambitieux programmes de réformes ont eu des effets positifs sur la croissance économique et l'innovation.
Imposons une discipline budgétaire. La Charte devrait prévoir une réduction de l'impôt des contribuables et des entreprises, et imposer une discipline fiscale à nos élus. À l'instar de plusieurs États américains, la Charte devrait obliger l'équilibre budgétaire et fixer des limites aux augmentations d'impôts, de taxes et de tarifs que peut décréter le gouvernement.
Restituons les surplus aux contribuables. La Charte devrait également préciser qu'en cas de surplus budgétaire, ce qui est peu probable avouons-le, nos gouvernements devraient obligatoirement retourner ces surplus aux contribuables sous la forme d'une diminution des impôts ou en remboursement de la dette.
Imposons des règles de dérogation stricte. Enfin, pour s'assurer que cette Charte ne soit pas modifiée au gré des humeurs politiciennes, elle devrait avoir un caractère constitutionnel. Elle ne devrait pouvoir être contournée qu'avec l'assentiment d'une supra majorité (voire l'unanimité) des élus de l'Assemblée nationale. Il serait trop facile de permettre à un gouvernement de s'y soustraire par un vote à la majorité simple.
Certains inconditionnels de l'État bienveillant rétorqueront qu'une telle Charte peut conduire à une impasse budgétaire, une falaise fiscale comme celle vécue par le gouvernement américain à l'automne 2013. Ce sera alors une bonne nouvelle: la preuve que la Charte fonctionne.
Quel contribuable se plaindra d'obliger les politiciens à se serrer la ceinture plutôt que d'avoir constamment à payer le coût de leurs excès?

dimanche 9 février 2014

Ne pas nourrir l'ogre


La Presse, Débats, samedi 8 février 2014, p. A27. Aussi disponible sur La Presse.ca et La Presse +.

Dans son bilan annuel sur la performance économique du Québec, le Centre sur la productivité et la prospérité des HEC estime que le gouvernement pourrait revoir la structure de sa fiscalité en haussant la TVQ et en réduisant d’autant l’impôt sur le revenu. Les taxes à la consommation étant plus efficaces, c’est à dire moins nocives pour notre économie que l’impôt sur le revenu. Je suis d’accord, mais...
Il est vrai qu’une taxe générale comme la TVQ engendre moins de distorsions dans l’économie qu’un méli-mélo d’impôts et de privilèges ciblés. Le problème n’est pas là. Le hic, c’est que mes collègues des HEC semblent postuler que le gouvernement ne prélève par le fisc que les sommes dont il a besoin pour couvrir le coût des biens et des services publics. En conséquence, ils présument qu’une meilleure tarification des services publics et une amélioration de la fiscalité permettrait à l’État de rembourser notre énorme dette, voire de nous retourner les excédents sous la forme de baisses d’impôt.
Malheureusement, tout n’est pas si simple pour les économistes des choix publics. Dans leur ouvrage The Power to Tax, Geoffrey Brennan et James M. Buchanan (Nobel 1986) proposent une vision beaucoup plus pragmatique de la fiscalité. Ils décrivent nos gouvernements comme des institutions qui cherchent à maximiser leurs rentrées fiscales. Le but de l’État serait essentiellement de prélever chez le contribuable le plus de revenus possible. Le gouvernement ajusterait ses dépenses en conséquence, c’est-à-dire en fonction du maximum d’impôt qu’il peut nous soutirer.
Dans cette perspective, la proposition de mes collègues des HEC pourrait devenir une calamité pour le contribuable. En effet, des études empiriques ont montré que les taxes uniformes à large assiette fiscale favorisent la croissance des gouvernements. Parce qu’elle favorise l’apathie des contribuables et repousse leur seuil de tolérance face à la taxation, elle permet à nos gouvernements de toujours mieux se gaver à nos dépens.
La logique est simple : un contribuable n’offrira de résistance à une hausse de taxes qu'à partir du moment où l’investissement en temps ou en argent pour la combattre est inférieur au gain escompté. Or, aucun d’entre nous n’a intérêt à consacrer du temps et des énergies à cabaler contre des hausses de TVQ qui, chaque fois, nous apparaîtront minimes par rapport à nos revenus. On préfèrera attendre que d’autres le fassent à notre place… ce qui n’arrivera pas.
Aussi, la réforme proposée devrait s’accompagner d’une obligation de mettre en place des contraintes au pouvoir de dépenser des politiciens; des contraintes qui limitent le montant d’impôt que l’État peut nous prélever. Dans cette veine, des économistes suggèrent d’introduire des règles constitutionnelles ou statutaires pour limiter le pouvoir de taxer, de dépenser et de faire des déficits.
Il faut cesser d’attendre la conscientisation de politiciens motivés par leur seule réélection. Laissons les faire ce qu’ils savent faire le mieux : faire des promesses électorales et octroyer des faveurs politiques. Mais, soyons réalistes : obligeons-les à faire de la politique à l’intérieur d’une enveloppe budgétaire fermée.
J’en conviens, réformer la fiscalité est une voie intéressante pour mettre de l’ordre dans nos finances publiques. Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’en confiant un système de taxation plus efficace et sans contraintes à des politiciens, c’est aussi courir le risque de se faire plumer.

mardi 26 novembre 2013

La Charte nuira à l'économie


La Presse, Débats, mardi le 26 novembre 2013, p. A17. Disponible en ligne sur La Presse.ca et sur La Presse+.
On en parle peu, mais l'assujettissement des entreprises privées à la Charte des valeurs québécoises pourrait avoir des conséquences malheureuses sur leur compétitivité.
Le projet de loi 60 stipule que lorsque les circonstances le justifient, un organisme public peut exiger de toute personne ou société avec laquelle il conclut un contrat - ou une entente de subvention - de respecter les obligations prévues à la charte. L'interdiction du port d'un signe religieux ostentatoire pourrait donc s'étendre à toute entreprise en relation avec un organisme public.
Il faut bien l'admettre, dans une province où l'État occupe plus de 45% de l'économie, les entreprises qui ne bénéficient d'aucune subvention ou qui ne font aucunement affaire avec un organisme public sont une denrée rare. Aussi, cette disposition de la loi risque d'inciter plusieurs entreprises québécoises à revoir leur politique d'embauche.
Si vous êtes un chef d'entreprise qui espère obtenir une subvention ou un contrat du gouvernement, vous le savez par expérience, l'État est pointilleux. L'inspecteur de l'Office québécois de la langue française vous a déjà sommé de franciser le bouton «On/Off» de votre micro-ondes. Vous avez obtempéré, craignant de voir annuler le certificat de francisation vous permettant de faire affaire avec le gouvernement. Dans la foulée de la Charte, prendrez-vous le risque d'embaucher un employé portant une kippa ou un hijab? Probablement que non.
On peut anticiper que plusieurs entreprises québécoises s'abstiendront désormais d'embaucher des employés revendiquant le droit d'afficher leurs croyances religieuses, préférant ainsi se priver, sans égard à leur compétence, d'employés qui pourraient éventuellement l'empêcher de faire affaire avec l'État.
Évidemment, si un gouvernement peut se permettre de discriminer ses employés, il en va tout autrement d'une entreprise privée en situation concurrentielle. Contrairement à l'État, l'entreprise ne peut dissiper le coût de sa discrimination dans sa rente de monopoleur. L'entreprise devra, tôt ou tard, en payer le prix.
Le ministre Drainville se berce d'illusions lorsqu'il prétend que tous les porteurs de signes religieux ostentatoires se plieront de bonne grâce à ses interdictions. Plusieurs accordent une valeur considérable au port de leur couvre-chef, et on peut présumer qu'ils seront nombreux à vouloir changer d'emploi.
Évidemment, le coût de changer d'emploi est moindre chez les employés efficaces et compétents que chez les incompétents. Il y aura toujours des preneurs sur le marché pour les premiers. Ce sont surtout eux qui réussiront à échapper au diktat de l'État.
Dans un monde concurrentiel, où la compétence veut encore dire quelque chose, les employés ne sont pas interchangeables. C'est pourquoi en se privant d'employés efficaces et compétents, plusieurs entreprises mineront leur compétitivité face aux entreprises non assujetties aux contraintes de la charte.
Quelques rares entreprises locales, et beaucoup trop d'entreprises hors Québec, tireront profit de la situation pour embaucher des ressources compétentes laissées pour compte par des entreprises incapables de se sevrer des mamelles de l'État québécois.
Bref, il est paradoxal de voir un gouvernement multiplier les politiques et les mesures visant à lutter contre la discrimination de toute sorte et, de l'autre main, forcer ses entreprises à discriminer leurs employés sur une base religieuse.
Dites-vous bien que la recherche d'employés efficaces et performants par les entreprises a probablement fait davantage pour la lutte à la discrimination que toutes les politiques gouvernementales réunies.