Article épinglé

lundi 14 mai 2012

Droits de scolarité: faut-il un moratoire?



La Presse.ca, La Presse Débats, lundi 14 mai 2012.
Pour espérer ramener tous les étudiants en classe afin de sauver leur session, le gouvernement Charest devrait-il décréter un moratoire sur la hausse des droits de scolarité?
Un moratoire sur les moratoires
Le statu quo est la solution prisée par les opposants à tout projet politique. Il suffit d’annoncer un projet public — construction domiciliaire, gaz de schiste, plan nord, etc. — pour qu’on réclame un moratoire. Encore aujourd’hui, nos soi-disant progressistes n’en finissent plus d’écrémer le dictionnaire des synonymes pour dégoter un terme séduisant permettant de remettre à demain une hausse des droits de scolarité. Comme si personne n’avait compris qu’un moratoire, une trêve, un gel ou un armistice rimait avec capitulation gouvernementale. Les droits de scolarité auraient dû être augmentés depuis trop longtemps. La crise que nous traversons aujourd’hui n’est pas uniquement celle des droits de scolarité. C’est aussi la crise d’une gouvernance qui, pendant des décennies, a refusé d’assumer ses responsabilités de gestionnaire des affaires publiques. C’est la crise de politiciens qui, pour des raisons électoralistes, n’ont jamais osé affronter les groupes de pression en quête de privilèges. C’est la crise d’élus qui ont trop souvent plié l’échine devant ceux qui défient la loi et l’ordre et terrorisent les citoyens. Et si, pour une fois, notre gouvernement gouvernait? Plutôt que de céder aux étudiants, il pourrait commencer par décréter un moratoire sur les moratoires et prendre des mesures pour faire respecter la loi. Ce serait déjà ça!

mercredi 9 mai 2012

Des transports collectifs plus chers ?


La Presse.ca, La Presse Débats, mercredi le 9 mai 2012.
Un groupe de recherche affilié à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal propose de hausser considérablement les tarifs aux usagers des transports en commun pour améliorer la qualité et l’efficacité des services. Cependant, le directeur général de Transports 2000 Québec, Normand Parisien, rétorque qu’une augmentation marquée des tarifs entraînerait une chute de la fréquentation des transports collectifs. Qu’en dites-vous ?
L'ÉLASTICITÉ-PRIX
La plupart du temps, une augmentation des tarifs influence la décision de consommation d’un individu. En économique, la mesure du changement observé dans la consommation à la suite d’une modification du prix s’appelle l’élasticité-prix. Si vous êtes un usager captif des transports en commun, il est probable qu’une hausse de tarif ne changera pas vos habitudes de transport, du moins à court terme. Par contre, si vous possédez déjà une voiture et que votre utilisation des transports en commun est un choix discrétionnaire, une hausse substantielle des tarifs pourrait vous inciter à revoir vos modes de déplacement. Les planificateurs urbains ont trop souvent tendance à supposer que la consommation des transports en commun est inélastique au prix, qu’il suffit de décréter une augmentation des tarifs pour remplir les coffres de la société des transports. Des études scientifiques montrent que si ça peut être le cas à court terme, à moyen terme, il pourrait en résulter une baisse de fréquentation et une perte de revenus. Cela dit, il n’y a pas de mal à tarifer équitablement les divers modes de transport et à laisser le consommateur choisir celui qui lui convient le mieux. Bien au contraire!

samedi 5 mai 2012

Les bandits nomades

La Presse, Débats, samedi le 5 avril 2012, p. A33. (Disponible sur La Presse.ca)

Le Québécois n’existe plus individuellement. Dans un élan de solidarité pour la grève étudiante, les leaders de groupes d’intérêt ne cessent de proclamer que les droits collectifs doivent primer sur les droits individuels. On aura compris que lesdits droits collectifs sont la propriété privée des groupes de pression, et que, dorénavant, ils entendent les faire respecter coûte que coûte. Même au prix de la violence!
Le Québec vit présentement sous la menace d’une dictature des groupes de pression. La tyrannie des propriétaires de droits collectifs. La Constitution, la Charte des droits et libertés, l’État qui protège vos droits individuels et assure votre sécurité ne sont à leurs yeux que du folklore. Si par hasard vous n’êtes qu’un vulgaire citoyen ou contribuable, si par malheur vous ne faites pas partie d’un grand syndicat, d’une puissante corporation professionnelle ou d’une fédération étudiante, la menace d’exclusion sociale est imminente.
Évidemment, tout ça n’a pas débuté avec la grève étudiante. Le processus de négation de l’individu s’est amorcé et intensifié tout au long de la Révolution tranquille, notamment lorsque nos gouvernements ont décidé de partager leur responsabilité de gestionnaire des affaires publiques avec les groupes d’intérêt. Comment? En les invitant régulièrement à des sommets socioéconomiques ou à des états généraux pour décider, entre élites, de l’avenir de la société. Rien à voir avec le prolétariat!
On voulait créer l’illusion qu’un consensus entre chefs syndicaux, leaders étudiants, patrons et fonctionnaires permettrait d'intégrer les préférences de chaque citoyen. On en faisait un modèle idyllique – encore mieux, une spécificité québécoise. Évidemment, c’était pour occulter que ce soi-disant modèle de démocratie, d’égalité et de solidarité n’était qu’une vulgaire forme de corporatisme servant des intérêts particuliers, et ce, au détriment des citoyens et des contribuables québécois.
C’est ainsi qu’après s’être approprié pendant 50 ans la richesse des citoyens, la corporation des propriétaires de droits collectifs est à bout de souffle. La mine s’est tarie! Les coûts sans cesse croissants des privilèges et l’endettement collectif font en sorte que l’État, traditionnellement chargé de redistribuer le butin volé aux citoyens, éprouve de plus en plus de difficulté à livrer la marchandise.
Il fallait donc profiter de la faiblesse du gouvernement pour reprendre les choses en main. L’État redistributeur de privilèges étant devenu un intermédiaire encombrant, on aspire à continuer l’opération sans lui.
Profitant de l’ignorance rationnelle des citoyens, nos grands groupes d’intérêt se réclament dorénavant d’une nouvelle démocratie : une démocratie où les intérêts particuliers revêtent une allure d'intérêt général. Une démocratie d’intérêts corporatifs qui appelle à la rupture sociale et qui cherche à installer le chaos en recourant à la violence et en défiant ouvertement la loi et l’ordre. Une démocratie où une coalition de privilégiés de l’État défend une idéologie consistant à ne rien céder des privilèges acquis et à se moquer de tout le reste, notamment des conséquences de leurs démarches.
Ces nouveaux démocrates de l’intimidation sont maintenant comparables au « bandit nomade » : celui qui détruit tout sur son passage, pille la récolte, et terrorise les citoyens. De plus, ce bandit nomade légitime la violence de peur que ses victimes ne trouvent un reste de droit individuel pour résister. Les résistants? Ces « p’tits cons » qui s’imaginent qu’une injonction de la cour peut freiner une coalition de subventionnés.