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dimanche 21 septembre 2014

Faire confiance à la libre négociation

Journal de Québec et Journal de Montréal, dimanche le 21 septembre 2014 (JQ p.14 et JM p. 26)


Le professeur Pierre Fortin et l’ex-ministre Claude Castonguay suggèrent de mettre sur pied un régime provincial unique pour l’ensemble des employés municipaux du Québec. Cette proposition est pour le moins curieuse : c’est comme s’il fallait davantage de centralisation pour corriger les défaillances d’un système déjà trop centralisé.
Ils n’ont cependant pas tort sur leur diagnostic. Les régimes de retraite dont bénéficient les employés municipaux sont le produit de règles de négociation « prosyndicales » imposées jadis par le gouvernement. À l’inverse, le projet de loi 3 se veut principalement « promunicipalités » : comme si le législateur provincial voulait s’absoudre de ses erreurs en déshabillant Roger pour habiller… Régis!
La libre négociation
Plutôt que de maintenir un cadre de négociation reposant sur des tractations entre gouvernement, municipalités et grandes centrales syndicales, ne serait-il pas préférable de s’attaquer aux vices du présent système? Pourquoi ne pas mettre en place un cadre de négociation décentralisé où prévaudrait un véritable équilibre des forces en présence?
Pour ce faire, le gouvernement n’aurait qu’à laisser les municipalités libres de négocier ce qu’elles veulent avec leurs employés, et à lever les contraintes qui corrompent l’actuel processus de négociations.
Dans un processus où une municipalité n’aurait qu’à tenir compte de sa capacité budgétaire et de la santé financière de son régime de retraite, il y a lieu de croire que les négociations se poursuivraient jusqu’à ce qu’on trouve une possibilité d’échange mutuellement avantageuse pour les parties. Une solution « gagnant-gagnant » tant pour les municipalités que pour les travailleurs.
Dans ce système décentralisé, le gouvernement du Québec ne serait plus responsable des pots cassés. Ce dernier devrait donc décliner, dès le départ, toute responsabilité à l’égard d’éventuels déficits. Néanmoins, afin de s’assurer que la libre négociation s’amorce sur des bases saines, il pourrait reconnaître sa part de responsabilité dans les déficits passés et en assumer, comme l’ont suggéré Fortin et Castonguay, une part significative.
Rétablir l’équilibre des forces
Évidemment, pour qu’un tel système fonctionne, il faudrait éliminer les entraves à la libre négociation et rétablir l’équilibre des forces à la table de négociation.
Pour ce faire,  le gouvernement Couillard devrait minimalement : 1) retirer son projet de loi « proemployeur » qui constitue une épée de Damoclès sur les éventuelles négociations; 2) modifier le Code du travail pour permettre le droit de lock-out aux municipalités et rendre l’arbitrage volontaire.
En balisant de manière stricte les enjeux de négociations futurs, le projet de loi 3 fait surtout écho aux municipalités qui ont failli à leur responsabilité fiduciaire, et pénalisent celles qui ont géré leur régime de retraite de manière responsable. Le gouvernement s’adonne encore une fois à ce qu’il fait de mieux : accorder des privilèges à ceux qui crient le plus fort.
À moins qu’on vise à perpétuer la logique collectiviste qui nous a conduits au présent marasme, il faut confier la gestion des régimes de retraite à des municipalités responsables et faire confiance à la libre négociation.

dimanche 31 août 2014

La concurrence fiscale : pour contrer les abus


Journal de Québec et Journal de Montréal, dimanche le 31 août 2014, (JQ p.12 et JM p.40 )

Nos politiciens sont unanimes : tout le monde doit payer sa juste part d’impôt. La médiatisation des affaires Burger King et Valeant leur aura d’ailleurs permis de renouveler l’appel à la solidarité fiscale… Comme si payer de l’impôt était une question de patriotisme et de loyauté nationale.
Au risque de décevoir nos « mère Teresa » de la fiscalité, je crois qu’il serait plus juste de dire que tout le monde veut que « l’autre » paie sa juste part d’impôt. Désolé, mais lorsque vient le moment d’envoyer le fruit de son labeur au fisc, les élans de solidarité ont tendance à s’estomper.
Je ne sais pas si c’est parce que j’ai de mauvaises fréquentations, mais personne de mon entourage ne remplit sa déclaration de revenus de gaieté de cœur. La plupart font même appel à des spécialistes pour payer le moins d’impôt possible.
Je n’ai jamais entendu, non plus, un diplômé de mon université dire qu’il était heureux d'accéder au marché du travail pour pouvoir payer des impôts. II sont surtout préoccupés par la recherche d’un emploi rémunérateur qui justifiera l’investissement de plusieurs années d’études. Certains se découvrent même un soudain attachement au fédéralisme canadien pour fuir librement vers les gros salaires et la faible imposition de certaines provinces de l’Ouest.
Contrairement à ce qu’on nous laisse entendre, les particuliers qui s’expatrient pour améliorer leur qualité de vie, ou les entreprises qui déménagent leur siège social au Canada pour payer moins d’impôt qu’aux Etats-Unis, ne sont pas des monstres d’ingratitudes. Ce sont seulement des citoyens préoccupés par leur bien-être, ou des dirigeants qui souhaitent accroître la rentabilité de leur entreprise et verser de meilleurs dividendes à leurs actionnaires.
De fait, les particuliers comme les entreprises réagissent aux incitations fiscales. Ils profitent de leur mobilité pour ne pas se laisser emprisonner par des politiciens qui n’aspirent qu’à leur en soutirer davantage. Et c’est bien ainsi!
En effet, la concurrence fiscale permet aux gens mobiles de choisir la combinaison services publics/impôt qui correspond le mieux à leurs préférences. Elle leur permet dans d’autres cas de voter par les jambes pour exprimer leur mécontentement à l’endroit de certaines décisions politiques qui les pénalisent.
Plutôt que de diaboliser la concurrence fiscale, on devrait la saluer. Pourquoi? Simplement parce qu’elle empêche les politiciens d’abuser de nous.
Plus nos politiciens usent de leur pouvoir de taxation, plus ils encouragent les particuliers et les entreprises à quitter la province. Or, plus les gens partent, moins le gouvernement retire de revenus de l’impôt. Voilà qui freine les ambitions spoliatrices de nos élus, et les incitent à une meilleure gestion du trésor public.
N’oublions pas que les vrais coupables de notre résistance à l’impôt, ce sont ces politiciens eux-mêmes. Si, à l’origine, l’impôt était un moyen collectif de s’offrir des services, il est devenu peu à peu un moyen de financer l’essaimage de privilèges politiques.
Soyons réaliste, s’il y a des paradis fiscaux, c’est qu’il existe des enfers fiscaux!

lundi 25 août 2014

Le projet de loi 3 ou la loi du plus fort


Le Journal de Québec et de Montréal, samedi le 23 août 2014, p. 16 (JQ).

Aujourd’hui, bien que le réalisme économique commande une révision fondamentale des régimes de retraite des employés municipaux, il n’autorise pas le gouvernement à faire n’importe quoi.

Aussi indécents puissent-ils paraître, les privilèges dont bénéficient ces employés du secteur public municipal ne sont pas tombés du ciel. Elles sont le produit des règles de négociation imposées jadis par nos gouvernements.

Or, si le projet de loi 3 poursuit un objectif louable, force est de constater qu’il s’agit d’une épine au pied de l’État de droit.

Nous vivons dans une société où les autorités politiques, plus que quiconque, doivent donner l’exemple et respecter leurs engagements. Pourquoi? Simplement parce qu’il ne serait plus possible d’acheter ou de vendre quoi que ce soit si personne ne respectait les contrats. 
Imaginez que vos finances personnelles soient dans une situation déplorable : vous avez dépensé sans compter (comme l’État), vous refusez de vous serrer la ceinture (comme l’État) et vous vous présentez chez vos créanciers pour les aviser que, dorénavant, vous n’allez payer que la moitié de vos dettes.

Normalement, ces derniers s’en remettront aux tribunaux pour vous forcer à acquitter votre dû. À défaut de quoi, ils n’auraient d’autre choix que de faire appel à des « gros bras ». Ce serait un retour à la loi du plus fort.

Quand les autorités politiques du Québec décident de ne plus respecter leur signature au bas d’un contrat et de revoir de manière rétrospective leur contribution aux régimes de retraite des employés municipaux, elles posent un geste inacceptable pour une société où le respect des contrats est fondamental au fonctionnement de notre économie.

Ironiquement, c’est d’ailleurs en insistant pour que le gouvernement terre-neuvien respecte ses engagements – malgré le fait que ce dernier y voyait une grave injustice -  qu’Hydro-Québec a défendu son avantageux contrat d'achat d'électricité de la Churchill Falls.

En déposant un projet de loi qui modifie de manière unilatérale et rétroactive les régimes de retraite, nos autorités politiques font, sans s’en rendre compte, la promotion du chaos.

Dans une société où les autorités politiques se permettraient de reformuler à leur guise leurs engagements passés, plus personne ne connaîtrait les règles du jeu en société. Le contribuable ne pourrait plus se fier à la loi de l’impôt, les investisseurs quitteraient la province et les citoyens vivraient sous un stress permanent.

Plus personne ne saurait ce qui est juste ou non, tout simplement parce que ce qui est permis et profitable aujourd’hui pourrait être punissable et dommageable demain.

Aujourd’hui, ce sont les régimes de retraite qui sont visés par nos politiciens. Qui sait si demain, ils ne passeront pas une loi sur l’impôt qui, au nom de l’intérêt public, ponctionnera rétroactivement votre épargne privée et votre richesse accumulée?

Ne vous méprenez pas, comme une majorité de Québécois, je suis pour une refonte majeure des régimes de retraite. Mais je suis contre ces lois rétrospectives qui fragilisent le fonctionnement de notre société, et ce, pour permettre à des politiciens de réparer leurs erreurs passées.