Article épinglé

samedi 13 décembre 2025

Ukraine: à la recherche d'une paix politiquement rentable

Les pressions exercées par Donald Trump sur l’Ukraine afin qu’elle accepte les exigences de Vladimir Poutine sont souvent présentées comme une tentative pragmatique de mettre fin à la guerre. Pour certains, il s’agirait d’un geste de réalisme, voire de courage politique. Pourtant, lorsqu’on prend un peu de recul, une question s’impose : cette approche sert-elle réellement les intérêts des Ukrainiens et des Européens, ou répond-elle surtout à l’agenda politique personnel de Donald Trump?

Pour l’Ukraine, accepter sous pression américaine les conditions imposées par Moscou ressemble davantage à une capitulation qu’à une paix négociée. Les concessions territoriales ou politiques exigées par la Russie ne garantissent en rien la sécurité future du pays. Au contraire, elles risquent de figer l’Ukraine dans une situation de vulnérabilité permanente. L’histoire démontre qu’une paix imposée à un pays agressé, sans garanties solides, ne fait souvent que reporter le conflit à plus tard. Pour les Ukrainiens, l’enjeu est existentiel : il s’agit de préserver leur souveraineté, leur territoire et leur droit à choisir leur avenir.

Les Européens, eux aussi, ont de sérieuses raisons de s’inquiéter. Une paix qui consacrerait les gains territoriaux russes affaiblirait un principe central de la sécurité européenne : l’inviolabilité des frontières. Un tel précédent enverrait un signal dangereux à d’autres puissances autoritaires, suggérant que l’usage de la force peut être récompensé. À moyen et long terme, ce choix pourrait accroître l’instabilité sur le continent et obliger les États européens à investir davantage dans leur défense, à un coût économique et politique bien supérieur à celui du soutien actuel à l’Ukraine.

Pourquoi, alors, Donald Trump insiste-t-il pour une « solution rapide » au conflit? La réponse tient largement à la logique des incitations politiques. Mettre fin à la guerre, peu importe les conditions, est un message simple, percutant et facile à vendre à un électorat américain fatigué des engagements internationaux. Une paix imparfaite est politiquement plus rentable qu’un conflit complexe, long et coûteux, dont les bénéfices stratégiques sont difficiles à expliquer.

Cette approche s’inscrit aussi dans son obsession d'obtenir le Prix Nobel de la paix. Se présenter comme l’homme qui  « arrête les guerres » permettrait à Trump de se forger une image de grand pacificateur sur la scène internationale. Dans cette logique, l’annonce d’un accord compte davantage que sa solidité ou sa durabilité. Les bénéfices politiques sont immédiats et concentrés, tandis que les coûts — instabilité future, sentiment d’injustice, risques sécuritaires — sont diffus et assumés par d’autres.

Un élément clé de cette dynamique est que ceux qui prennent la décision ne sont pas ceux qui en paient le prix. Les électeurs américains favorables au désengagement perçoivent un gain immédiat : moins d’argent dépensé à l’étranger, moins d’implication militaire. En revanche, les Ukrainiens et les Européens supportent l’essentiel des conséquences d’une paix bâclée. Cette dissociation entre décideurs et victimes des décisions favorise des choix politiquement efficaces à court terme, mais potentiellement désastreux à long terme.

Au final, les pressions exercées sur l’Ukraine apparaissent moins comme une véritable stratégie de paix que comme un calcul politique. Une paix durable ne peut être construite sans le consentement du peuple ukrainien, sans garanties de sécurité crédibles et sans respect du droit international. Sacrifier ces principes au nom d’un gain politique personnel revient non seulement à trahir l’Ukraine, mais aussi à fragiliser l’ordre européen. La paix ne devrait jamais être un trophée électoral.

* Cet essai a été rédigé avec l'aide de ChatGPT

mercredi 5 novembre 2025

(1/2) Médecins et gouvernement : la guerre des vertueux intéressés

* Cet essai a été rédigé avec l'aide de ChatGPT

Le conflit entre les médecins et le gouvernement n’est pas un accident, c’est un produit du système. Chacun agit rationnellement : le politicien veut des votes, le médecin veut des revenus, et le citoyen paie la facture sans savoir pourquoi.

Dans ce débat, le gouvernement aime se présenter comme le gardien des fonds publics, celui qui “protège” les contribuables contre les excès d’un corps professionnel jugé trop bien payé.

En imposant des cibles de performance et une loi spéciale, il veut prouver qu’il agit — peu importe si le système reste malade. L’important est d’avoir l’air déterminé. Ce n’est pas la santé du patient qui motive le gouvernement, mais la santé de la CAQ.

Les médecins, pour leur part, dénoncent l’ingérence bureaucratique, les cibles absurdes, les promesses creuses. Ils ont raison, mais ils défendent aussi un système qui leur garantit des revenus élevés et une autonomie quasi totale. Le discours sur “la qualité des soins” sert souvent de bouclier à un cartel médical qui protège ses privilèges.

Dans un réseau public où tout dépend d’eux, les médecins disposent d’un pouvoir de négociation immense. Ils sont à la fois indispensables et intouchables. Et dans un marché sans véritable concurrence, ils ont tout intérêt à préserver les importants privilèges dont ils disposent.

Entre les deux camps, le citoyen n’a qu’un rôle secondaire : celui du contribuable captif. Il finance le système sans comprendre ses mécanismes. L’ignorance du public n’est pas un défaut, c’est une donnée structurelle. Le citoyen moyen n’a ni le temps ni la capacité d’évaluer les conventions collectives ou les budgets du ministère.

Le véritable remède à cette maladie chronique n’est peut-être pas politique, ni même syndical. En effet, pendant que médecins et gouvernements se disputent les leviers du pouvoir, une autre révolution frappe à la porte du réseau de la santé : celle de l’intelligence artificielle.

Voir texte suivant : (2/2) Le conflit entre les médecins et Québec : négocier le passé, ignorer l’avenir

mardi 4 novembre 2025

(2/2) Le conflit entre les médecins et Québec : négocier le passé, ignorer l’avenir

* Cet essai a été rédigé avec l'aide de ChatGPT

Le conflit entre le gouvernement du Québec et les médecins sur la rémunération et les objectifs de performance ressemble de plus en plus à un dialogue de sourds. Après des mois de discussions improductives, Québec a choisi de mettre fin aux négociations à coup de loi spéciale, comme si le problème pouvait être réglé par décret. Les médecins dénoncent un manque de respect pour leur autonomie professionnelle; le gouvernement parle de responsabilité financière et d’accès équitable. Derrière ce bras de fer, un constat s’impose : ces négociations appartiennent à une autre époque.

Car pendant que les tables de discussion se vident, le monde médical, lui, change à une vitesse vertigineuse. L’intelligence artificielle (IA) est en train de transformer la médecine de fond en comble. Ce n’est plus un concept futuriste : elle est déjà là, dans les hôpitaux, les cliniques, les laboratoires. Elle aide à diagnostiquer, à prédire, à planifier. Et son influence ne fera que croître dans les prochaines années. Pendant qu’on se bat encore sur la valeur d’un acte médical, la technologie redéfinit ce qu’un acte médical peut être.

Les applications sont innombrables. En radiologie, des algorithmes détectent des anomalies plus finement que l’œil humain. En pathologie, l’IA analyse des milliers d’images en quelques secondes pour repérer des cancers précoces. En médecine de famille, elle soutient la décision clinique, anticipe les risques, et oriente les patients vers les bons services. Même la gestion administrative — fléau bien connu du système québécois — peut être allégée grâce à des outils automatisés qui prennent en charge la rédaction de notes, la facturation ou la planification.

Ces innovations ne remplacent pas les médecins : elles les libèrent. Elles leur permettent de consacrer plus de temps à la relation humaine, à la réflexion clinique, à l’accompagnement des patients. Or, dans le débat actuel, cette réalité est totalement absente. On continue de raisonner comme si le nombre d’heures travaillées ou de patients vus définissait la valeur d’un médecin. C’est oublier que la performance ne se mesure plus seulement en volume, mais en qualité, pertinence et efficacité des soins.

Le paradoxe, c’est qu’en refusant d’intégrer cette révolution technologique dans leurs discussions, le gouvernement et les fédérations médicales risquent de se battre pour un modèle qui s’éteint. À moyen terme, l’IA permettra de maintenir, voire d’augmenter, le volume de soins avec un nombre réduit de médecins. Non pas en les remplaçant, mais en optimisant leur travail, en automatisant les tâches répétitives et en réduisant les erreurs.

Le Québec pourrait saisir cette transformation pour redéfinir la pratique médicale : revoir la formation, réviser les structures de rémunération, repenser les indicateurs de performance. Plutôt que d’imposer des quotas ou des cibles, on pourrait valoriser la collaboration homme-machine. Ce serait un projet d’avenir, fondé sur l’innovation plutôt que sur la confrontation.

Mais pour cela, il faudrait une vision. Et c’est précisément ce qui manque. Tant le gouvernement que les associations médicales semblent prisonniers d’une logique comptable. On parle d’heures, de pourcentages, de coûts, comme si le système de santé était une usine. On gère des budgets, mais on oublie d’imaginer le futur. Pendant ce temps, d’autres pays intègrent déjà l’IA dans leur gouvernance médicale et récoltent les fruits d’une plus grande efficacité.

L’intelligence artificielle n’est pas une menace pour la profession médicale : c’est une occasion historique de la réinventer. Le Québec pourrait être à l’avant-garde d’une médecine plus intelligente, plus humaine et plus accessible. Mais pour cela, il faut cesser de négocier le passé.

La loi spéciale ne réglera rien d’autre qu’un conflit de surface. Le vrai défi, celui que ni décret ni barème salarial ne peuvent résoudre, consiste à préparer notre système de santé à l’ère numérique. Tant que l’on refusera de regarder dans cette direction, le Québec continuera à débattre des solutions d’hier, pendant que le monde construira la médecine de demain.

mardi 17 juin 2025

Texte paru dans le Journal le Devoir, 17 juin 2025. 

Le 3e lien est-il un projet d’infrastructure ou une arme électorale? 


Malgré les critiques d’experts, les études défavorables et l’opposition quasi unanime des autres partis, la Coalition Avenir Québec (CAQ) nous ramène périodiquement son projet de 3e lien autoroutier entre les villes de Québec et de Lévis. Ce retour récurrent s’explique non par le hasard, mais par une stratégie politique pleinement délibérée que l’on peut aisément analyser à travers le prisme de la théorie des choix publics.


Une promesse électorale ciblée

Le 3e lien est avant tout une promesse électorale ciblée. Il vise les électeurs des circonscriptions situées sur la Rive-Sud de Québec, autour de Lévis, où le soutien au projet est beaucoup plus fort qu’à Québec. Pourquoi ? Parce que ce sont surtout les automobilistes de la rive sud qui espèrent raccourcir leur trajet quotidien vers la rive nord. Ils y voient une solution à leurs embouteillages. Pour eux, ce projet est perçu comme un gain direct.


À l’inverse, de nombreux citoyens de Québec se montrent sceptiques, voire hostiles au projet. Selon eux, ce troisième lien risque d’accroître le trafic chez eux, sans pour autant résoudre la congestion routière de manière durable. La CDPQ-Infra, qui a analysé six corridors potentiels, concluait que les économies de temps de trajet seraient en moyenne d’à peine cinq minutes. Plutôt que de diminuer la congestion, le projet ne ferait que la déplacer vers d’autres segments déjà vulnérables du réseau routier. Autrement dit, le problème ne serait pas réglé, mais simplement déplacé. Pour les citoyens de la rive-nord, il ne s’agit donc pas d’une solution à un problème, mais la création d’un nouveau problème.


Concentration des avantages et diffusion des coûts

L’hostilité au projet des résidents de la Rive-Nord a toutefois peu de chances de faire fléchir la CAQ. Tant que les avantages potentiels du troisième lien resteront concentrés sur un groupe restreint et que les coûts seront largement répartis, le gouvernement aura tout intérêt à maintenir le cap malgré les critiques généralisées. 


Pour l’instant, le projet bénéficie à un électorat bien défini et mobilisé - celui de la Rive-Sud - tandis que les désavantages, tels que la congestion accrue, les répercussions environnementales et l’alourdissement de la dette publique, sont supportés par un ensemble plus vaste, notamment les citoyens de la ville de Québec et, bien sûr, l’ensemble des contribuables de la province qui paieront la majeure partie de la facture.


C’est précisément cette asymétrie dans la répartition des avantages et des coûts qui explique pourquoi ce projet reste politiquement rentable malgré les critiques qui fusent de toutes parts. Quand un groupe bien précis profite directement d’un projet, il est plus motivé à le soutenir activement. En revanche, si les coûts et les bénéfices sont répartis entre beaucoup de gens, chacun se sent moins concerné, ce qui rend l’opposition moins forte et organisée. 


La dimension symbolique est tout aussi cruciale. Le troisième lien est devenu un étendard politique. En le défendant, la CAQ s’oppose aux experts, aux élites montréalaises, aux médias: elle parle directement au « vrai monde ». Le projet simplifie le débat, renforce l’identité régionale, et à 18 mois d’une élection générale, c’est un levier politique loin d’être négligeable.


En somme, le 3e lien n’est pas qu’un projet d’infrastructure: c’est une arme électorale redoutable. Tant qu’il suffit d’en parler pour rallumer la ferveur d’une base électorale stratégique, pourquoi la CAQ s’en priverait-elle? À ce jour, pas un mètre n’a été creusé mais des kilomètres de votes ont été récoltés.


mercredi 24 avril 2024

Dunes de Tadoussac : parc imposé, non merci!

Alors que le sort des dunes de Tadoussac semblait scellé, des citoyens demandent aujourd’hui au Ministre de mettre sur pause le projet de Parc national des dunes-de-Tadoussac.

En pleine crise pandémique
En avril 2021, près de trois ans après avoir mis fin abruptement aux travaux d’un comité consultatif sur l’avenir des dunes, le conseil municipal de Tadoussac a adopté une résolution soutenant les efforts du ministère qui voulait y implanter un parc national. Il exprimait même le souhait que ce projet se concrétise rapidement.

En pleine crise pandémique, il fut donc décidé que ce précieux territoire de 6,5 km rejoindrait le réseau des parcs nationaux gérés par la Sépaq. Ce projet, dont on connaît maintenant les détails, prévoit notamment d’en faire un site à accès contrôlé, avec des zones de stationnement, des campings et des installations administratives. Une coopérative d’habitation pour loger le personnel serait même à l’étude.

La communauté n'a jamais eu la possibilité d'explorer d'autres options de gestion de ce territoire. Or, pour nombre de citoyens, ce projet de Parc national s’apparente davantage à une entreprise commerciale qu'à un projet de conservation et de mise en valeur. C’est loin de répondre à leurs attentes.

L’ombre du passé et des citoyens méfiants
Les quelques séances d'information visant à convaincre les citoyens de l'utilité d'un tel projet n’ont pas eu l’effet escompté. Plutôt que de rassurer, elles ont semé beaucoup d'inquiétude au sein de la population.

On a sans doute oublié que les résidents locaux ont une expérience concrète des parcs sur leur territoire, ce qui les rend peu sensibles aux arguments de vente des élus et des représentants du ministère.

Tadoussac et les municipalités voisines sont entourées de parcs. La présence de la Sépaq depuis de nombreuses années et l'exemple du Parc national du Fjord du Saguenay-Baie Sainte-Marguerite, situé dans le village voisin de Sacré-Coeur, permet aux résidents d’appréhender et de bien mesurer les contraintes de vivre à proximité d’un tel parc national.

En outre, tenter de les persuader que le projet de la Sépaq pourrait être adapté à leurs habitudes et préférences est futile. Ils savent depuis longtemps que les règles et politiques des parcs nationaux sont fixées par le gouvernement du Québec, sans véritable considération pour les préoccupations locales.

La nécessité de s’exprimer
À la demande du Ministre, le BAPE recevra les mémoires et les commentaires des parties intéressées le 14 mai. Il remettra son rapport au ministre au plus tard le 16 août.

Il est évidemment souhaitable que la participation citoyenne soit forte, même si les procédures strictes du BAPE peuvent en dissuader plusieurs de s'exprimer.

Soyons toutefois réalistes! Ce n'est pas le BAPE qui prendra la décision finale sur ce projet. Il se limitera à transmettre une agrégation des opinions qui lui seront transmises lors des audiences. Sans compter que les recommandations du BAPE ne sont pas légalement contraignantes pour le gouvernement, qui peut choisir de ne pas les suivre.

L’idée d’un Parc national aux dunes de Tadoussac fait face à un sérieux problème d'acceptabilité sociale. Que ce soit par le biais du BAPE ou autrement, il est crucial que les citoyens qui s'inquiètent de ce projet se fassent entendre.

À l'heure actuelle, une pétition bénéficiant d'un large soutien appelle le Ministre à interrompre le projet en cours et à instaurer un comité chargé de consulter et d'examiner les différentes options de gestion pour ce territoire. Il est probable que d'autres initiatives populaires émergent d'ici août.

Souhaitons que la résistance s’intensifie!


mercredi 11 décembre 2019

Cette politique bon marché qui mise sur l’ignorance des électeurs

Contrepoints, mercredi le 11 décembre 2019

Des citoyens jusqu’ici apolitiques sont de plus en plus engagés. Ils n’y comprennent pas grand-chose, mais ils aiment bien. C’est la politique bon marché.
L’ignorant rationnel
À la fin des années 1950, l’économiste Anthony Down a développé le concept d’ignorant rationnel pour désigner ceux qui refusaient d’investir en information politique.
Les ignorants rationnels ne sont ni incultes ni illettrés. Ce sont simplement des individus avisés dont le comportement est dicté par un calcul avantages/coûts. Les avantages qu’ils perçoivent du vote ne justifient pas l’investissement en temps et en énergie pour s’informer sur les propositions politiques des partis.
Conséquemment, plusieurs électeurs préfèrent s’abstenir. D’autres, non moins nombreux, se rendent malgré tout aux urnes pour voter par mimétisme, pour le plaisir de s’exprimer ou pour des considérations d'ordre moral.
L’arrivée des médias sociaux a toutefois changé la donne. Même si les ignorants rationnels ont peu d’intérêt pour les émissions d’affaires publiques, ils savent lire un tweet ou un statut Facebook.
Les politiciens peuvent désormais contourner le filtre des analystes politiques et rejoindre directement ceux qui lui faisaient jusqu’ici la sourde oreille. Ils peuvent lui transmettre un message politique qui requiert peu d’effort d’assimilation, donc très peu d’investissement en temps et en énergie.
Coûts d’information et d’adhésion  
Si les médias sociaux permettent de réduire les coûts d’information, encore faut-il que l’ignorant rationnel puisse adhérer et faire sienne la politique qui lui est proposée.
Or, pour séduire un ignorant rationnel, il faut lui faire une proposition politique dont les coûts d’assimilation sont quasiment nuls, une politique conforme à ses intuitions préalables; une offre politique qui a du sens à priori, mais qui ne requiert aucun investissement d’analyse et de réflexion de sa part. Il faut éviter les propositions contre-intuitives, et ce, même si la science le prescrit. Trop coûteux en analyse.
La proposition doit couler de source de manière à ce que l’ignorant rationnel puisse en comprendre les tenants et aboutissants sans y mettre d’efforts. Elle doit aussi apporter une réponse simple, voire simpliste, peu importe la complexité du problème. Le nec plus ultra de la politique bon marché étant bien sûr d’incorporer dans sa plateforme des propositions s’arrimant à un mythe ou à une croyance populaire.
Évidemment, les couleuvres politiques sont non seulement admises, mais largement recommandé. Cela s’explique par le fait que l’ignorant rationnel, par définition, n’investira pas dans une analyse de la véracité de l’information qui lui est transmise ni de l’efficacité de la politique qui lui est proposée.
L’offre politique bon marché
Le fameux théorème du votant médian de Duncan Black suggère que les formations politiques s’alignent au centre d’une distribution gauche/droite. Ils cherchent le juste milieu, celui qui divise l’électorat en part égale et leur permet d’espérer gagner l’élection.
Dans ce modèle de référence, les électeurs n’ont pas besoin d’être satisfaits de l’offre politique qui leur est faite, ils se rallient au parti le plus près d’eux. Ils votent par défaut, pour le moins pire.
En suivant cette stratégie, les partis politiques ont trop longtemps ignoré que plus les préférences d’un électeur s’éloignent du centre - donc se déplace vers les extrêmes de la distribution - moins grand est le bénéfice anticipé d’aller voter. Favorisant d’autant l’ignorance rationnelle de ces électeurs.
La politique bon marché vise essentiellement à séduire ce votant potentiel. Plutôt que de présumer à tort que l’ignorant rationnel se ralliera à une plateforme politique centriste, les politiciens tâchent désormais d’aller à sa rencontre en introduisant dans leur programme des propositions souvent qualifiées de populistes. 
Conclusion
Si l’ignorance rationnelle de l’électeur demeure encore bien vivante, elle s’exprime dorénavant d’une manière différente : nous sommes passés de l’ignorant absent à l’ignorant partisan.

vendredi 30 mars 2018

Le tramway et le troisième lien ne peuvent cohabiter


Le Devoir, mardi le 3 avril 2018.

La ville de Québec peut-elle s’offrir le luxe d’un « troisième lien » en plus d’un tramway? Pas vraiment. Le succès du nouveau réseau de transport en commun de la Capitale passe par l’abandon du projet de construction d’un nouveau pont. 

Transport collectif
Il n’y a rien de vraiment surprenant à ce que les autorités publiques aient d’abord choisi d’investir dans le transport en commun plutôt que dans un troisième lien. On a pu observer ailleurs que la multiplication des ponts ne faisait que repousser les problèmes de congestion.

Bien que la plupart des spécialistes conviennent qu’à long terme le transport en commun est une option de mobilité urbaine plus prometteuse, encore faut-il qu’il soit utilisé à sa juste mesure.

Or, l’achalandage dans les transports en commun opérés par le Réseau de transport de la Capitale (RTC) a toujours été famélique. Un désintérêt attribuable, semble-t-il, à un service désuet et peu efficace. 

Le tramway annoncé en grande pompe changera-t-il la donne? Les études montrent que si les tramways améliorent le confort des usagers, ils n’augmentent pas automatiquement l'achalandage. 

Du reste, outre un sondage SOM qui nous révèle que le projet suscite l’adhésion d’une partie de la population de Québec, nous avons peu d’indices nous laissant croire que les usagers afflueront vers le tramway.

Concurrence de l’automobile
Le succès du futur tramway de Québec repose donc sur sa capacité à concurrencer l’automobile, en faisant migrer les automobilistes de la région de Québec vers le nouveau réseau de transport en commun.

Une chose est claire toutefois, il sera impossible d’attirer des automobilistes dans ce nouveau réseau si on continue à subventionner l’automobile.

Là où le bât blesse, c’est quand des politiciens prétendent que le dossier du troisième lien est indépendant du tramway et qu’ils promettent de réaliser les deux de front.

Dans la mesure où la congestion des ponts est le seul frein à son usage (une tarification indirecte), la construction d’un nouveau lien rapide et gratuit saperait inévitablement l’intérêt de l’usager des ponts à migrer vers le nouveau réseau de transport en commun.  

Pire encore, on inciterait le résident de Québec à déménager sur la rive sud pour économiser sur la prix du sol, et à privilégier l’automobile pour ses déplacements.  Du moins, jusqu'à ce que ce nouveau lien soit lui-même saturé…

Essaimage
Nous n’avons plus les moyens d’essaimer les subventions à caractère électoraliste dans les ponts et chaussées. Il faut dorénavant introduire un peu de cohérence dans les investissements publics. Il est également temps d’assumer ses choix d’investissements. Les politiciens ne doivent plus détruire de la main gauche ce que d’autres tentent de bâtir de la droite.

Maintenant qu’ils ont décidé de privilégier le tramway, nos décideurs publics doivent faire en sorte que cet investissement de 3 milliards $ ne soit pas jeté par les fenêtres. Il faut en conséquence privilégier son interconnexion avec la rive sud, renoncer à la construction du troisième lien et s’assurer que le subventionnement du réseau routier de la Capitale n’incite pas à la désertification du futur réseau de transport en commun.

Le tramway n’a peut-être pas la réputation d’être le plus efficace des moyens de transport collectif, mais nos élus doivent avoir la décence de ne pas en faire un fiasco avant même sa construction.


samedi 9 décembre 2017

Dire « NON » à la Davie

Le Devoir, Idées, lundi 11 décembre 2017

Le maire de Lévis se demandait s’il n’y a pas, au gouvernement fédéral, « une volonté de fermer la bonbonne d’oxygène » de la Davie. Et pourquoi pas? Pour une fois que des considérations de saine gestion publique semblent prévaloir sur les motivations électoralistes de nos politiciens…
                         
Peu importe qu’il ait besoin d’un nouveau navire ou non, le gouvernement fédéral a le droit, et surtout le devoir, de dire « non » à la Davie s’il juge que cette dernière est incapable de lui offrir des navires de qualité, à prix compétitif et dans un délai raisonnable.

L’importance de pouvoir dire non
On peut comprendre qu’il soit difficile pour le gouvernement fédéral de dire « non » à une entreprise qu’il nourrit depuis des décennies. Toutefois, comme nous le rappelait l’économiste Don Boudreaux*, le droit et la capacité de dire « non » sont primordiaux au fonctionnement du marché.

C’est la peur de se faire rejeter par les consommateurs qui poussent les entreprises à offrir les biens et services au meilleur prix possible; c’est ce pouvoir de dire « non » qui a permis aux consommateurs d’obtenir des entreprises qu’elles améliorent leurs produits.

Il n’y a dans les faits que les entreprises qui vivent aux crochets de l’État qui peuvent ignorer cette réalité. Pourquoi les fournisseurs de l’État ne sont-ils pas contraints aux mêmes obligations que les entreprises en concurrence? Le travailleur qui trime avec ardeur pour payer les impôts qui permettent les dépenses publiques ne mérite-t-il pas que le gouvernement fasse usage de son argent avec le même discernement que lui?

Il nous apparaît donc normal et justifié que le gouvernement Trudeau puisse dire « non » aux entreprises qui, comme la Davie, sont incapables de démontrer qu’elles sont suffisamment efficaces et productives pour vivre sans toucher le pactole de l’État.

Un bilan peu reluisant
Soyons honnêtes, le chantier de la Rive-Sud de Québec n’a rien d’une entreprise modèle. À moins de fixer la barre du fleuron régional au ras du sol, on doit reconnaître que la Davie s’est surtout démarquée par ses changements de propriétaire, ses retards de livraisons, ses dépassements de coûts et des relations de travail difficiles.

Il faut avoir une mémoire très sélective pour faire fi du passé et réclamer du gouvernement fédéral un énième contrat pour la Davie.

Le premier ministre Couillard devrait d’ailleurs s’excuser auprès des contribuables québécois pour avoir mené la récente marche de soutien à la Davie alors qu’un important contentieux oppose son gouvernement au chantier naval.

Est-il nécessaire de lui rappeler que les traversiers commandés au chantier de Lévis pour relier Tadoussac à Baie-Sainte-Catherine coûteront plus du double que prévu et seront livrés avec un minimum de trois ans de retard?

Un nouveau chèque d'aide sociale
Ce que réclame la Davie, c’est un nouveau chèque d’aide sociale déguisé en contrat. Plutôt que d’investir dans la compétitivité et la qualité de ses travaux, elle joue encore la carte du chantage politique en brandissant les menaces de fermeture et de mise à pied des travailleurs. 

La bonne nouvelle, c’est que quelqu’un à Ottawa semble avoir finalement compris que l’argent du gouvernement ne tombe pas du ciel, qu’il est prélevé des poches du contribuable et que chaque nouvel emploi improductif sauvé à la Davie éliminerait un emploi productif ailleurs dans l’économie. Bref, qu’octroyer un nouveau contrat à la Davie ne ferait qu’appauvrir les Canadiens comme les Québécois.
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On ne peut que saluer cette résistance gouvernementale aux abuseurs de fonds publics. Il ne reste maintenant qu’à faire comprendre à la Davie et à ses meneurs de claque que, quand c’est non, c’est non!
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*Don Boudreaux, Thoughts On theRight NOT to Contract, Café Hayek, 5 décembre 2017.