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jeudi 2 octobre 2014

L’emploi n’est pas une priorité


Journal de Québec et Journal de Montréal, septembre 2014 (JQ p.18  et JM p.36 )
Le premier ministre Couillard nous rappelle constamment que sa priorité est la création d’emploi. Désolé, mais les emplois ne devraient pas être une priorité. Soyons sérieux, qui a besoin d’un travail?
Comme l’explique l’économiste Pierre Lemieux dans « Who Need Jobs?», qui vient tout juste de paraître chez Palgrave, les gens recherchent non pas un travail, mais les revenus qui y sont associés. On vous garantirait le même salaire pour vaquer à votre loisir préféré que vous n’hésiteriez pas à donner votre démission sur-le-champ.
Pourquoi revenir sur cette évidence? Parce que nos politiciens semblent ignorer que ce sont nos revenus, et non notre emploi, qui nous permettent d’améliorer notre qualité de vie. Aussi, l’objectif du gouvernement Couillard ne devrait pas être de créer des emplois, mais de favoriser la création de richesse. Or, les moyens d’atteindre les deux objectifs sont bien différents.
Par exemple, investir dans les éoliennes pour produire de l’électricité dont on n’a pas besoin, pour ensuite la brader à un prix inférieur à son coût, ne crée pas de richesse. Au contraire, ce genre de politique détruit une partie des revenus des contribuables.
Il est vrai qu’un tel projet permet à quelques travailleurs chanceux de récupérer, par la magie de l’impôt, le revenu d’un travailleur productif. Mais pour faire quoi? Pour produire une électricité inutile alors que le contribuable qui a financé ce projet avec ses impôts aurait pu utiliser l’argent que lui a prélevé le fisc pour améliorer sa qualité de vie.
Imaginez que l’on vous remette une partie des impôts qui ont été prélevés sur votre salaire. Vous dépenseriez avec plaisir ces revenus récupérés et vous stimuleriez ainsi la création de nouveaux emplois productifs.
En fait, les politiques de création d’emplois consistent à déshabiller Paul pour habiller Pierre. Et, au cours du processus, on détruit une partie des revenus des contribuables.
L’argent du gouvernement ne tombe pas du ciel. Elle est prélevée des poches du contribuable. Aussi, chaque nouvel emploi soi-disant créé par le gouvernement correspond à un emploi productif perdu ailleurs dans l’économie. Pire encore, cet emploi productif sera la plupart du temps remplacé par un emploi improductif.
Quand un gouvernement fait de l’emploi sa priorité et s’imagine pouvoir créer des emplois en lieu et place des consommateurs, on ne peut que s’inquiéter. L’expérience nous a appris qu’il jouera au Robin des bois en subventionnant des entreprises désuètes pour sauver des emplois improductifs; qu’il freinera l’apparition de projets novateurs et créateurs de richesses au nom de l’emploi en région; qu’il multipliera les réglementations pour protéger des travailleurs incapables de suivre la concurrence.
Au moment où une commission est chargée d’explorer les moyens de nous prélever plus d’impôt pour permettre au gouvernement de remplir sa promesse de créer 250 000 emplois, nous devons nous rappeler que l’URSS ne s’est pas effondrée parce qu’elle manquait d’emplois. Au contraire, tous les Soviétiques avaient un emploi… créé par l’État. On a seulement oublié de créer de la richesse!

Lemieux, Pierre, Who Need Jobs?: Spready Poverty or Increasing Welfare, Palgrave Macmillan, New York, 2014, 201 p. (disponible sur Amazon.ca)

dimanche 28 septembre 2014

Mirage de réforme


Journal de Montréal et Journal de Québec , le 29 septembre 2014. (JQ p.14 et JM p.32)
Jusqu’ici, la réforme Barrette me laisse de glace. Au fil des ans, les mirages de réforme administrative de notre système de santé ont été si nombreux que j’ai développé les symptômes d’une grave maladie : le « réformo-scepticisme ».
Chaque nouveau gouvernement nous promet de soigner la bête. C’est normal! Les partis politiques nouvellement élus sont tous affligés d’un biais pour l’action. Ils doivent montrer aux électeurs qu’ils ont les choses en main, qu’ils ont les solutions à tous les problèmes. La passivité d’un politicien est toujours lourdement pénalisée par l’électorat.
Je l’admets, le ministre Barrette a le sens du spectacle. Abolir 18 ASSS,  fusionner les 182 CSSS, créer des CISSS chargés de chapeauter les CJ, les CH, les CR et les CLSC, ça fait pour le moins sérieux. 
Ce brassage d’acronymes cherche sans doute à donner l’illusion que la réforme en cours est fondamentale, mais il n’en est rien. Ce qu’on sait à ce jour de la réforme Barrette ne sort pas des sentiers battus par les réformes précédentes : on concentre ou déconcentre l’administration d’un système fondamentalement centralisé.
Depuis les années 1970, notre système reste lourdement financé par l’État. Il a toujours été contrôlé et financé par l’autorité centrale, c'est-à-dire le ministère de la Santé et, ultimement, le Conseil du trésor qui procède à l’allocation des budgets. Or, ce n’est pas en brassant les structures et en renforçant le pouvoir du Ministre sur l’administration qu’on révolutionne les services aux usagers et qu’on change la culture du système.
Le seul élément de la réforme Barrette qui pourrait éventuellement rapprocher l’usager des choix budgétaires en santé, c’est le financement des organismes par activité. On dit que ce projet de loi serait le prélude à un financement basé sur le volume d’activités des établissements, et non plus simplement sur la reconduction historique des budgets.
Comme proposé dans un rapport d’experts déposé en février dernier, une telle réforme viserait à établir un lien direct entre le patient, les soins prodigués et leur financement. Dans la mesure où les revenus des établissements dépendraient du volume de services rendus et du nombre de clients qu’ils attirent, on présume qu’ils seraient incités à offrir des services mieux adaptés aux attentes de leur clientèle.
Évidemment, un tel mode de financement s’apparente à la tarification à l'acte chez les médecins, un système qui n’est pas sans reproches. Malgré tout, cette mesure pourrait inverser la tendance qu’ont plusieurs de restreindre l’offre de service pour équilibrer le budget qui leur est consenti par Ministère.
Financement par activité ou non, il reste qu’on ne pourra jamais dépolitiser notre système de santé tout en conservant un financement principalement public. Comme nous le rappelle le professeur Gérard Bélanger dans L’économique de la santé et l’État providence, il y a un vieux dicton qui dit : « Who pays the piper calls the tune ». Aussi, tant que le gouvernement refusera une plus grande ouverture au privé en santé, c’est lui qui choisira la musique!