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dimanche 1 septembre 2013

La charte des conflits



La fameuse charte visant à baliser nos libertés religieuses soulève des rivalités. Rien de surprenant ! Chaque fois que l’État s’investit dans un domaine d’activité, la chasse à la rente politique s’active. Cette fois cependant, les conséquences pourraient s’avérer dangereuses pour le Québec.

Dans leur ouvrage The Price of Freedom Denied : Religious Persecution and Conflict in the Twenty-First Century (2011), Brian J. Grim et Roger Finke expliquent que l’intensification des contrôles exercés par l’État sur les libertés religieuses met en péril la paix sociale. Contrairement à la croyance populaire, les réglementations étatiques n’apaisent pas les conflits entre groupes religieux ; elles les attisent.

En s’appuyant sur une base de données regroupant de l’information sur près 200 pays, et sur l’étude exhaustive de six d’entre eux, les auteurs montrent que l’imposition par l’État de contraintes à la liberté religieuse augmente le nombre de conflits et les cas de minorités religieuses victimes de persécution.

Selon ces chercheurs, c’est la liberté qui favoriserait la paix sociale en matière de religion. Pourquoi ? Parce que la liberté de toutes les religions signifie le pouvoir d’aucunes. Lorsque l’État reconnaît cette liberté, il perd l’autorité de discriminer entre les citoyens aux préférences religieuses différentes. Même les défauts de notre système démocratique se résorbent devant la liberté : une majorité religieuse ne peut tyranniser les religions minoritaires.

Notre liberté de religion est un droit reconnu par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. Or, selon le PQ, cette liberté menacerait le Québec. De quoi ? Difficile à dire ! Mais on veut nous convaincre qu’il est urgent d’intervenir pour baliser les demandes d’accommodement religieux.

C’est ainsi que sous prétexte de régler un problème qui, selon la commission Bouchard-Taylor, n’a rien de critique pour la société et n’entrave aucunement le fonctionnement normal de nos institutions, le gouvernement entend préciser dans une charte les pratiques religieuses interdites.

Évidemment, dans un Québec où la religion n’exerce plus d’influence sur le pouvoir politique depuis longtemps, tout le monde aura compris les véritables préoccupations de nos politiciens : ce sont certaines minorités religieuses qui agacent.

Alors, réglementons ! Organisons au préalable un débat social où les religions minoritaires seront une cible facile pour les groupes politiquement puissants. Une proie pour les chasseurs de burqa, de hijab et de turban qui sauront y associer une érosion de l’identitaire québécois pour obtenir les faveurs d’un législateur prétextant se plier aux désirs du peuple. C’est connu, les tyrans de la majorité font toujours consensus… entre eux.
Jusqu’où iront les interdits religieux imposés par cette charte ? On parle, pour l’instant, de prohiber le port de symboles religieux dans les institutions publiques. Mais, il faudra attendre son dépôt pour en savoir plus. Déjà, les catholiques se sont vus garantir certains privilèges : le crucifix de l’Assemblée nationale et certains autres de leurs symboles religieux seraient épargnés. À moins, bien sûr, que ce ne soit qu’une façon détournée de décréter qu’ils seront désormais plus égaux que d’autres en matière de liberté religieuse.

En faisant primer l’idéal collectif de certains groupes d’intérêt sur les droits fondamentaux des citoyens, cette charte risque de regrouper une panoplie de droits et de privilèges arbitraires. La recette parfaite pour attiser les rivalités et pour promouvoir l’adhésion du Québec au club des nations dont les minorités se plaignent de persécution. Bref, une mine inépuisable de conflits sociaux en gestation.

mercredi 21 août 2013

Bannir les symboles religieux?

La Presse.ca, La Presse Débats, mercredi le 21 août 2013 aussi sur La Presse+.

Faut-il interdire le port de symboles religieux dans les institutions publiques, incluant les écoles, les hôpitaux et les garderies ?

Des Québécois identiques
Si l’on en croit les rumeurs, le gouvernement Marois s’apprête à imposer aux employés de l’État un code vestimentaire. Décidément, lorsqu’il est question de s’immiscer dans la vie des citoyens, les politiciens ont l’identitaire commode. Dans une société qui se prétend libre et démocratique, le rôle premier de l’État est de protéger nos libertés individuelles et d’assurer notre sécurité. Son rôle n’est pas de s’immiscer dans la vie des individus, et surtout pas d’adopter une soi-disant charte collective qui servira essentiellement à discriminer entre des citoyens aux préférences individuelles différentes. Le port de symboles religieux est une question de choix personnel. Que l’infirmière me recevant à l’urgence porte un crucifix, fusse-t-il tatoué sur son front, n’a guère d’importance; ça la regarde. Ce qui devrait me préoccuper par contre, ce sont ses compétences – et rien d’autre. Je pourrais comprendre que, pour des raisons de sécurité ou de fraude, on puisse discuter de l’obligation pour un individu de s’identifier. Mais de là à vouloir nous imposer une laïcité sans limites, il y a une marge. En réalité, il n’existe nulle part en démocratie un droit ou un privilège permettant aux politiciens de brimer un quelconque groupe au détriment d’un autre. Sauf peut-être dans le p’tit catéchisme électoraliste péquiste où les Québécois ne doivent plus être égaux, mais identiques.