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samedi 22 juin 2013

D’une corruption à l’autre


La Presse, Débats, samedi 22 juin 2013, p.A31. Aussi disponible sur La Presse.ca et sur La Presse+.
 
Le Québec est choqué. Les dénonciations et les accusations de corruption se succèdent à un rythme soutenu. Doit-on s’en surprendre? Hélas non.
Partout dans le monde, il est courant d’apprendre que des élus et fonctionnaires ont bradé l'argent des contribuables à des fins d’enrichissement personnel ou pour en tirer des avantages partisans.
Évidemment, les formes et l’ampleur de la corruption varient d’un pays à l’autre. Il existe cependant une relation étroite entre l’importance de l’État dans l’économie et le niveau de corruption observé.
Comme nous le montre l’indice de perception de la corruption (IPC) de Transparancy International, les pays les moins corrompus sont des pays prospères laissant une grande place à la concurrence et à l'économie de marché. À l'inverse, les pays où on a décelé le plus de corruption se caractérisent par un État omniprésent.
Au Québec, nous sommes théoriquement une économie de marché. En pratique toutefois, l’État s’ingère un peu partout dans notre vie. Nous sommes d’ailleurs les champions nord-américains de l’impôt et des dépenses publiques. Il ne faut donc pas se surprendre que la corruption y fasse des ravages.
Là où le bât blesse, c’est que pour contrer la corruption notre premier réflexe est de réclamer davantage des gouvernements. On demande à celui, qui est le premier responsable de la corruption, de s’ériger en justicier pour assurer notre protection contre les malversations dont il est la source. Comme si davantage d’État et de bureaucratie étaient la solution à trop d’État et de bureaucratie.
C’est ainsi que dans la foulée de la commission Charbonneau et des arrestations de l’UPAC, notre gouvernement a mis en place une série de contrôle et de règlements pour l’octroi des contrats publics. En principe, ce sont maintenant les fonctionnaires de l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui ont la responsabilité de choisir les firmes qui pourront transiger avec nos gouvernements.
Évidemment, nos élus n’ont pu résister très longtemps à réserver ce monopole de décision à des fonctionnaires. Au début du mois de juin, le président du Conseil du trésor annonçait des assouplissements à sa loi. Désormais nos élus auront 60 jours pour infirmer les décisions de l’AMF. En attendant, on aura appris que la loi ne s’appliquait pas à la F1 : une subvention, ce n’est pas un contrat. Comme si verser de l’argent directement à un escroc étranger était plus décent que de signer un contrat avec un escroc local. Enfin…
En réalité, notre lutte contre la corruption risque d’en stimuler une autre. Dans une économie réglementée, on retrouve deux types de corruption. La première, celle qui retient présentement notre attention, consiste à corrompre un décideur public pour se faire octroyer directement un contrat sans passer le jeu de la concurrence. On parle ici d’échange de contrats contre des pots de vin.
Mais il y a aussi une autre forme de corruption qu’il faut anticiper. Celle où un escroc cherchera à corrompre un décideur public pour contourner l’amoncellement de règlements et de contrôles publics implantés pour combattre la première forme de corruption. On échangera alors des autorisations et des certificats de probité contre des pots de vin.
En réalité, il n’y a pas de solutions bureaucratiques à la lutte contre la corruption. La seule façon efficace de la combattre consiste à limiter le pouvoir de nos élus et fonctionnaires. Pour reprendre une formule à la mode, il suffit de séparer la politique de l’économie.

mercredi 12 juin 2013

Souhaitables, les élections à date fixe ?


La Presse.ca, mercredi le 12 juin 2013 - La Presse Débats et La Presse+.

Êtes-vous en faveur d’élections générales à date fixe au Québec? Si c’est le cas, le premier lundi d’octobre tous les quatre ans, tel que proposé par le gouvernement Marois, vous apparaît-il un bon choix ?

Fixe après quatre ans, mais souple dans l’intervalle. Ce projet de loi vise essentiellement à baliser un des privilèges de notre premier ministre. Ce dernier ne pourra plus déterminer la date des élections lorsque le mandat de son gouvernement viendra à échéance. Entre-temps, rien ne sera changé. Le lieutenant-gouverneur pourra toujours dissoudre l’Assemblée nationale et déclencher des élections anticipées. Cette loi n’empêchera donc pas les partis d’opposition de renverser notre gouvernement minoritaire dans les prochains mois. Pas plus qu’une loi du genre n’avait empêché Stephen Harper de déclencher des élections en 2008. Outre l’idée de prévisibilité des élections à la fin d’une législature, il y a peu d’avantages à avoir une loi sur les élections à date fixe. On peut même anticiper qu’une campagne électorale officieuse précédera désormais la campagne officielle qui dure normalement entre 32 et 38 jours. Aux États-Unis, où les élections se tiennent à date fixe, on dit souvent que les campagnes électorales s’étendent sur plusieurs mois. Dans la mesure où les gouvernements ont la fâcheuse tendance à financer leur réélection en dilapidant l'argent public, je ne suis pas certain qu’une campagne électorale de six mois soit une bonne nouvelle pour les contribuables québécois.