jeudi 31 mai 2012

Employés municipaux: le maire Labeaume a-t-il raison?


La Presse.ca, La Presse Débats, jeudi le 31 mai 2012.

Le maire de Québec, Régis Labeaume, veut renverser le rapport de force avec les employés municipaux. Il souhaite que les municipalités puissent réformer leurs régimes de retraite, et aient aussi le droit de décréter un lock-out et de dresser une liste de services essentiels, comme c’est déjà le cas à Calgary, Ottawa et Winnipeg. Le gouvernement Charest devrait-il accéder à la demande du maire Labeaume, appuyée par la Fédération québécoise des municipalités ?

Lorsque le jupon dépasse
Le temps est aux réformes, clame Régis Labeaume. Permettez-moi de rire! Il y a dix ans, plus de deux cents municipalités disparaissaient à la suite des regroupements forcés par le gouvernement du Québec. Nos élus provinciaux et municipaux nous avaient alors présenté les fusions comme le remède à tous nos maux urbains. Une planification centrale du gouvernement provincial, jumelée à une centralisation des pouvoirs municipaux, était censée réduire les coûts et faire exploser le développement économique des villes québécoises. Mais que s’est-il passé? Comme plusieurs l’avaient prédit, on a surtout récolté une hausse des taxes, une baisse de la qualité des services et une intensification de la bureaucratie. Aujourd’hui, force est de constater que ce sont surtout les administrations et les syndiqués des villes fusionnées qui ont bénéficié de cette réorganisation. L’ambition du maire Labeaume de renverser le rapport de force entre la Ville de Québec et ses employés est louable. Mais il y a quelque chose d’ironique à utiliser l’argument de l’essoufflement des contribuables lorsqu’on amorce la construction d’un amphithéâtre de 400 millions $ puisés à même les fonds publics. Désolé, mais je ne suis pas certain que nos chefs syndicaux se plieront de bonne grâce aux incantations de notre bon maire. Lorsque le jupon dépasse…

mardi 29 mai 2012

Porte-drapeau aux Jeux olympiques: Despatie doit-il accepter?


La Presse.ca, La Presse Débats, mardi 29 mai 2012.
Si on lui offre d’être le porte-drapeau canadien à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres, Alexandre Despatie a-t-il le devoir d’accepter, en dépit des exigences médiatiques et protocolaires que ce rôle lui imposerait ?
À moins d’être superstitieux
Certains estiment à 2,4 milliards, d’autres à 4 milliards, le nombre de téléspectateurs qui regarderont la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres. Même si l’enthousiasme de certains publicitaires semble excessif - il y a 7 milliards d’humains sur la Terre - il reste que parader en tête de la délégation de son pays demeure un honneur enviable. Je ne sais pas si porter le drapeau canadien à la face du monde est un devoir, mais c’est certainement un privilège. Pour la carrière d’un athlète, c’est une belle consécration… et c’est une occasion qui ne se présente souvent qu’une seule fois. Évidemment, les exigences médiatiques et protocolaires associées à cette tâche sont difficilement conciliables avec l’horaire d’un athlète qui entre en compétition dans les heures suivant la cérémonie. Toutefois, ça ne semble pas le cas pour Alexandre, dont la première épreuve est présentée cinq jours plus tard. Évidemment, notre héros national n'est pas sans savoir que ce rôle n'a pas toujours souri aux athlètes dans le passé : la fameuse guigne du porteur de drapeau. Toutefois, à moins d’être superstitieux, je ne crois pas qu’Alexandre puisse refuser cet honneur.

mercredi 23 mai 2012

Manifestations: l'image de Montréal ternie?


La Presse, Débats, jeudi le 24 mai 2012, pA28.
La Presse.ca, La Presse Débats, mercredi le 23 mai 2012.
Croyez-vous que les manifestations étudiantes qui tournent au vinaigre soir après soir nuisent à l’image de Montréal à l’étranger et, conséquemment, sont susceptibles d’avoir des impacts négatifs sur son industrie touristique ?
Loin des carrés rouges 
On dit que chaque grande ville a son symbole. Paris a sa tour Eiffel et Montréal… son carré rouge. Un Québec tout en couleur à la veille de la saison touristique. Un carré rouge qui a entamé sa carrière internationale ce week-end à Cannes. On le porte fièrement. Comme si l’on voulait rappeler au monde entier que Montréal est présentement une ville à éviter. Une ville où lancer des projectiles aux policiers, vandaliser les vitrines des commerçants et perturber les axes routiers sont des activités quotidiennes. Malheureusement, outre les casseurs professionnels, les émeutes et la violence n’attirent pas les touristes. En 2011, les revenus du tourisme en Égypte ont baissé de près de 30 % en raison des troubles politiques. C’est vrai que le Québec n’est pas encore l’Égypte. Néanmoins, l’Ambassade des États-Unis a mis en garde les touristes américains et tous ses ressortissants contre les troubles sociaux de Montréal. Les amateurs de F1 du monde entier savent aussi que des étudiants de l’UQAM veulent faire annuler le Grand Prix du Canada. Rappelons-le, l’offre touristique mondiale est très concurrentielle. Aussi, comme beaucoup de Québécois, je vais sûrement prendre mes vacances loin de Montréal. Les plages du Maine, l’Europe… loin des carrés rouges!

jeudi 17 mai 2012

Loi spéciale : la meilleure solution?


La Presse, Débats, Montréal, vendredi 18 mai 2012, p. A21.
La Presse.ca, La Presse Débats, jeudi le 17 mai 2012.
Le gouvernement Charest a annoncé que la session sera suspendue jusqu’à la fin août dans les cégeps et facultés universitaires qui font l’objet d’un boycottage. Le début de la session d’automne à l’université sera reporté au mois d’octobre. Une loi spéciale sera aussi adoptée pour empêcher les étudiants de bloquer l’accès aux cégeps et aux universités à la reprise des cours. Est-ce la meilleure solution pour dénouer la crise étudiante ?
LES DANGERS D'UNE LOI SPÉCIALE
Une suspension du trimestre est sans doute une sage décision. Elle devrait permettre, du moins à court terme, de mettre fin aux affrontements entre manifestants et policiers aux abords des institutions d'enseignement. Par contre, l'idée d'une loi spéciale pour empêcher les étudiants de bloquer l'accès aux cégeps et aux universités me laisse songeur. Pourquoi doit-on adopter une loi spéciale pour faire respecter la loi existante? Pour rendre la loi actuelle plus efficace? Peut-être! Je crois en une société de droit où le rôle légitime de l'État est la protection des libertés individuelles. La liberté ne peut exister en absence de loi pour protéger l'individu contre la coercition d'autrui. Toutefois, il ne faudrait pas qu'une loi spéciale, venant se superposer à la loi existante, accorde des privilèges ou en enlève à quiconque. Dans un État de droit, tous sont censés être égaux devant la loi. Aucun individu ou groupe d'individus ne devrait acquérir de nouveaux privilèges ou s'en faire enlever par une loi spéciale. Or, une loi spéciale qui, par définition, s'applique à un groupe en particulier, est nécessairement discriminatoire. D'où mon enthousiasme prudent...

mardi 15 mai 2012

Crise étudiante: Michelle Courchesne fera-t-elle mieux?


La Presse.ca, La Presse Débats, mardi le 15 mai 2012.

Que pensez-vous de la démission de la ministre Line Beauchamp? Sa remplaçante à l’Éducation, Michelle Courchesne, parviendra à dénouer la crise étudiante?
La victoire totale
Michèle Courchesne a-t-elle le mandat de hisser le drapeau blanc? A-t-elle le pouvoir signer la capitulation du gouvernement? À moins de faire volte-face sur la hausse des droits de scolarité, la ministre Courchesne a peu de chance de dénouer la crise étudiante. L’évolution du conflit étudiant n’a rien à voir avec l’intransigeance de Mme Beauchamp. Au contraire, jusqu’à la dernière minute, l’ex-ministre s’est affairée à faire des concessions et à trouver des moyens d’assouplir la position gouvernementale. Sans succès! En réalité, pour négocier, il faut être deux. Il faut que chacune des parties ait la légitimité de négocier et la volonté d’en arriver à une entente. Ce que semblent avoir perdu les leaders étudiants lorsqu’une majorité de leurs membres ont rejeté l’entente qu’ils avaient dûment signée avec le gouvernement. Depuis cette rebuffade, ils ont perdu toute marge de négociation. Ils ont dû revenir à leur position de départ.  Aujourd’hui, ils revendiquent et ils exigent. Ils n’ont d’autre velléité que de mettre le gouvernement K.O. La crise étudiante est devenue une affaire de leaders étudiants qui, après avoir été portés aux nues par les artistes et les leaders syndicaux, doivent absolument humilier le gouvernement pour redorer leur blason. Comme le disait Eisenhower : Nous n’accepterons que la victoire totale! 

lundi 14 mai 2012

Droits de scolarité: faut-il un moratoire?



La Presse.ca, La Presse Débats, lundi 14 mai 2012.
Pour espérer ramener tous les étudiants en classe afin de sauver leur session, le gouvernement Charest devrait-il décréter un moratoire sur la hausse des droits de scolarité?
Un moratoire sur les moratoires
Le statu quo est la solution prisée par les opposants à tout projet politique. Il suffit d’annoncer un projet public — construction domiciliaire, gaz de schiste, plan nord, etc. — pour qu’on réclame un moratoire. Encore aujourd’hui, nos soi-disant progressistes n’en finissent plus d’écrémer le dictionnaire des synonymes pour dégoter un terme séduisant permettant de remettre à demain une hausse des droits de scolarité. Comme si personne n’avait compris qu’un moratoire, une trêve, un gel ou un armistice rimait avec capitulation gouvernementale. Les droits de scolarité auraient dû être augmentés depuis trop longtemps. La crise que nous traversons aujourd’hui n’est pas uniquement celle des droits de scolarité. C’est aussi la crise d’une gouvernance qui, pendant des décennies, a refusé d’assumer ses responsabilités de gestionnaire des affaires publiques. C’est la crise de politiciens qui, pour des raisons électoralistes, n’ont jamais osé affronter les groupes de pression en quête de privilèges. C’est la crise d’élus qui ont trop souvent plié l’échine devant ceux qui défient la loi et l’ordre et terrorisent les citoyens. Et si, pour une fois, notre gouvernement gouvernait? Plutôt que de céder aux étudiants, il pourrait commencer par décréter un moratoire sur les moratoires et prendre des mesures pour faire respecter la loi. Ce serait déjà ça!

mercredi 9 mai 2012

Des transports collectifs plus chers ?


La Presse.ca, La Presse Débats, mercredi le 9 mai 2012.
Un groupe de recherche affilié à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal propose de hausser considérablement les tarifs aux usagers des transports en commun pour améliorer la qualité et l’efficacité des services. Cependant, le directeur général de Transports 2000 Québec, Normand Parisien, rétorque qu’une augmentation marquée des tarifs entraînerait une chute de la fréquentation des transports collectifs. Qu’en dites-vous ?
L'ÉLASTICITÉ-PRIX
La plupart du temps, une augmentation des tarifs influence la décision de consommation d’un individu. En économique, la mesure du changement observé dans la consommation à la suite d’une modification du prix s’appelle l’élasticité-prix. Si vous êtes un usager captif des transports en commun, il est probable qu’une hausse de tarif ne changera pas vos habitudes de transport, du moins à court terme. Par contre, si vous possédez déjà une voiture et que votre utilisation des transports en commun est un choix discrétionnaire, une hausse substantielle des tarifs pourrait vous inciter à revoir vos modes de déplacement. Les planificateurs urbains ont trop souvent tendance à supposer que la consommation des transports en commun est inélastique au prix, qu’il suffit de décréter une augmentation des tarifs pour remplir les coffres de la société des transports. Des études scientifiques montrent que si ça peut être le cas à court terme, à moyen terme, il pourrait en résulter une baisse de fréquentation et une perte de revenus. Cela dit, il n’y a pas de mal à tarifer équitablement les divers modes de transport et à laisser le consommateur choisir celui qui lui convient le mieux. Bien au contraire!

samedi 5 mai 2012

Les bandits nomades

La Presse, Débats, samedi le 5 avril 2012, p. A33. (Disponible sur La Presse.ca)

Le Québécois n’existe plus individuellement. Dans un élan de solidarité pour la grève étudiante, les leaders de groupes d’intérêt ne cessent de proclamer que les droits collectifs doivent primer sur les droits individuels. On aura compris que lesdits droits collectifs sont la propriété privée des groupes de pression, et que, dorénavant, ils entendent les faire respecter coûte que coûte. Même au prix de la violence!
Le Québec vit présentement sous la menace d’une dictature des groupes de pression. La tyrannie des propriétaires de droits collectifs. La Constitution, la Charte des droits et libertés, l’État qui protège vos droits individuels et assure votre sécurité ne sont à leurs yeux que du folklore. Si par hasard vous n’êtes qu’un vulgaire citoyen ou contribuable, si par malheur vous ne faites pas partie d’un grand syndicat, d’une puissante corporation professionnelle ou d’une fédération étudiante, la menace d’exclusion sociale est imminente.
Évidemment, tout ça n’a pas débuté avec la grève étudiante. Le processus de négation de l’individu s’est amorcé et intensifié tout au long de la Révolution tranquille, notamment lorsque nos gouvernements ont décidé de partager leur responsabilité de gestionnaire des affaires publiques avec les groupes d’intérêt. Comment? En les invitant régulièrement à des sommets socioéconomiques ou à des états généraux pour décider, entre élites, de l’avenir de la société. Rien à voir avec le prolétariat!
On voulait créer l’illusion qu’un consensus entre chefs syndicaux, leaders étudiants, patrons et fonctionnaires permettrait d'intégrer les préférences de chaque citoyen. On en faisait un modèle idyllique – encore mieux, une spécificité québécoise. Évidemment, c’était pour occulter que ce soi-disant modèle de démocratie, d’égalité et de solidarité n’était qu’une vulgaire forme de corporatisme servant des intérêts particuliers, et ce, au détriment des citoyens et des contribuables québécois.
C’est ainsi qu’après s’être approprié pendant 50 ans la richesse des citoyens, la corporation des propriétaires de droits collectifs est à bout de souffle. La mine s’est tarie! Les coûts sans cesse croissants des privilèges et l’endettement collectif font en sorte que l’État, traditionnellement chargé de redistribuer le butin volé aux citoyens, éprouve de plus en plus de difficulté à livrer la marchandise.
Il fallait donc profiter de la faiblesse du gouvernement pour reprendre les choses en main. L’État redistributeur de privilèges étant devenu un intermédiaire encombrant, on aspire à continuer l’opération sans lui.
Profitant de l’ignorance rationnelle des citoyens, nos grands groupes d’intérêt se réclament dorénavant d’une nouvelle démocratie : une démocratie où les intérêts particuliers revêtent une allure d'intérêt général. Une démocratie d’intérêts corporatifs qui appelle à la rupture sociale et qui cherche à installer le chaos en recourant à la violence et en défiant ouvertement la loi et l’ordre. Une démocratie où une coalition de privilégiés de l’État défend une idéologie consistant à ne rien céder des privilèges acquis et à se moquer de tout le reste, notamment des conséquences de leurs démarches.
Ces nouveaux démocrates de l’intimidation sont maintenant comparables au « bandit nomade » : celui qui détruit tout sur son passage, pille la récolte, et terrorise les citoyens. De plus, ce bandit nomade légitime la violence de peur que ses victimes ne trouvent un reste de droit individuel pour résister. Les résistants? Ces « p’tits cons » qui s’imaginent qu’une injonction de la cour peut freiner une coalition de subventionnés.

mardi 1 mai 2012

Couche-Tard sans syndicat?


La Presse.ca, La Presse Débats, mardi 1 mai 2012.
Le PDG de Couche-Tard, Alain Bouchard, estime que le contexte hautement concurrentiel des dépanneurs, leurs marges extrêmement serrées et la nature même de leurs activités ne sont pas compatibles avec la syndicalisation de ces commerces. Êtes-vous d’accord avec sa vision ?
L’illusion de la syndicalisation
Couche-Tard est un fleuron québécois dont le chiffre d’affaires et les profits font saliver les centrales syndicales. Néanmoins, l’industrie du dépanneur est fragile. On rapportait récemment qu’entre janvier 2008 et septembre 2011, plus de 1 000 dépanneurs québécois ont dû fermer boutique. La contrebande de cigarettes et les règlementations gouvernementales sur la vente de produits (ex. : bière, lait) font que les marges bénéficiaires sont souvent très minces. Peut-on réellement croire que la syndicalisation des Couche-Tard permettra aux employés d’améliorer leur sort? On peut en douter! D’abord, parce que la syndicalisation n’est pas un bien gratuit pour l’employé : elle implique des cotisations et du temps à consacrer à des actions militantes. Ensuite, parce qu’en alourdissant le fonctionnement des dépanneurs, on incite les propriétaires à revoir l’allocation des ressources entre leurs facteurs de production. Ainsi, pour conserver une marge bénéficiaire acceptable, ils chercheront à obtenir le même supplément de production avec moins de travailleurs. Ce faisant, on peut présumer que ce sont des milliers d’emplois, souvent occupés par des étudiants, qui disparaîtront. Les bénéfices de la syndicalisation ne sont souvent qu’une illusion entretenue par des bureaucraties syndicales dans leur insatiable quête de revenus de cotisation.